J'ai encore des poussières de lune dans le coin des yeux. Eclyps, avec les extravagants personnages imaginés par Bryan Perro, la mise en scène sucrée de Martin Larocque et la folie de Robert Trudel, continue de me faire rêver. Pour moi, le souvenir de l'incompréhensible, quoique fort poétique, Kosmogonia a été jeté aux oubliettes, et j'ai même fait exprès d'égarer la clef. La nouvelle production de la Cité de l'énergie, qui exploite habilement la technologie et les possibilités de la scène pivotante, a vraiment plus de panache. Il est vrai qu'il reste quelques tableaux à raffiner, mais j'ai confiance que ce show deviendra un incontournable.
Eclyps raconte l'histoire des Sélénites, peuple de lune condamné à disparaître. Une seule chose peut le sauver de sa mort imminente: que le dernier être humain qui croit en son existence ne cesse jamais de le faire. Au moment de la première, quand le dernier spot s'est éteint, j'ai beaucoup pensé au directeur général de la Cité, Robert Trudel. Je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais il y a une belle analogie entre la trame narrative de ce spectacle et tout le travail que ce visionnaire accomplit pour la ville de Shawinigan. Bon, c'est sans doute accidentel, mais ça donne presque des frissons. Certains lui reprochent peut-être ses manières de faire, son exigence et son zèle au boulot, mais qu'on y pense, ce gestionnaire est l'un des rares qui a cru au potentiel de Shawinigan, alors qu'elle tombait en ruine. En s'investissant corps et âme dans la mise sur pied de la Cité de l'énergie, dans la construction d'un amphithéâtre extérieur tournant, puis dans la création de l'Espace Shawinigan – salle qui accueille des expos d'envergure internationale -, il a permis à cette ville de retrouver une fierté perdue et de s'imaginer un nouvel avenir malgré le vide laissé par les nombreuses fermetures d'usines, qui avaient fait jadis sa gloire et sa renommée. Avec une volonté de fer et des étoiles dans les yeux, il a créé des emplois, dévoilé une expertise locale… et remis la ville de Shawinigan sur la mappe. Comme dans Eclyps, Robert Trudel est cet enfant rêveur qui ne doute jamais même quand ça paraît impossible. D'ailleurs, il ne semble exister aucun projet assez fou. Sky is the limit, dit-on. Mais, parfois, je me demande si, pour lui, ça demeure encore trop petit, trop restrictif.
Depuis qu'il a failli y laisser sa peau – il a eu un malaise cardiaque ce printemps -, Robert Trudel parle souvent de la mort. C'est pourquoi, lors de la première d'Eclyps, je me suis posé cette question: que se passerait-il si un jour il se payait un billet sans retour vers le monde des Sélénites? Y aurait-il d'autres fidèles pour reprendre le flambeau, pour croire? J'étais incapable d'y répondre. Dans mon cerveau, j'entendais le silence complet. Sincèrement, je souhaite que l'immortalité, ça existe!