Entre guillemets

Dis-moi qui tu es!

Quand j'étudiais au collège, l'un de mes enseignants en littérature répétait souvent que lorsqu'on écrivait, on "s'écrivait". Il n'avait pas tort dans un certain sens. Chaque fois qu'on se lance en création, on compose à partir de soi: de son vécu, de ses expériences, de son vocabulaire. On ne peut faire fi de son identité propre. Notre classe sociale, le lieu où l'on a grandi, les voyages que l'on a faits, tout influence notre façon de voir le monde et de l'analyser. Mais il ne faudrait pas tomber dans le piège qu'un livre (ou toute autre réalisation) se veut le miroir parfait de son auteur. Autrement, on pourrait se questionner sur la vraie nature de certains écrivains comme Patrick Senécal, qui dévoile un tempérament vif et jovial même s'il publie des romans d'horreur, ou, plus près de nous, Sandra Rompré-Deschênes, Trifluvienne d'origine qui sortait récemment La Maison mémoire, un bouquin pour le moins cruel.

MAUVAIS REFLEXE

C'est d'ailleurs à la suite d'un entretien que j'ai eu avec elle que je me suis mise à réfléchir sur l'affiliation hâtive que l'on faisait souvent entre une oeuvre et son auteur. Par exemple, Sandra Rompré-Deschênes, qui jouit pourtant d'une fine silhouette, me racontait que certains éditeurs avaient refusé de la publier parce qu'ils sentaient son récit un peu trop autobiographique. Ah, bon! Comme s'il fallait absolument avoir plusieurs kilos en trop pour comprendre la détresse d'une obèse; avoir manqué d'amour de ses parents pour parler avec justesse de la solitude et de l'isolement! Coudon, se peut-il qu'en observant, en lisant et en nourrissant un intérêt pour les relations humaines, on puisse arriver à un résultat tout aussi convaincant? Je crois que oui. Pareil à un comédien, un auteur peut explorer des lieux étrangers, se composer un univers. Léo Ferré n'a-t-il pas écrit de magnifiques chansons d'amour? Or, il était reconnu pour son penchant misogyne, pour sembler préférer les bêtes aux femmes. C'est peu dire…

Mais pourquoi a-t-on ce curieux réflexe d'association? Pour se prouver qu'on sait lire l'âme humaine? Pour se rassurer? Au fond, ça doit être cela: on aime toujours savoir à qui on a affaire. C'est sécurisant. De cette manière, on n'a pas l'impression de faire entrer un inconnu (aussi virtuel soit-il) dans son intimité. Car, si certaines oeuvres nous laissent carrément indifférents, d'autres réveillent de doux souvenirs ou picorent dans notre part d'ombre. Et ça, peu de gens ont le droit de le faire. D'ailleurs, dans le cas du livre, cette intimité partagée va encore plus loin; outre la vue, le sens du toucher est stimulé. On a le contact du papier sur la peau, les mots à quelques centimètres du coeur. L'auteur est tout près de nous. Pareil à ses personnages, on l'imagine… Voilà pourquoi si on ne pousse pas la curiosité plus loin que son travail, on peut avoir toute une surprise!

BRAVO !

La nouvelle est sur toutes les lèvres depuis dimanche soir: la formation trifluvienne Tricot Machine a remporté deux Félix, dont celui de la Révélation de l'année. Wow! Ce dernier trophée, elle le méritait amplement. Rappelons-nous qu'au moment de lancer son premier album éponyme, elle n'était connue ni d'Ève ni d'Adam. Pourtant, quelques semaines plus tard, elle était déjà la coqueluche des médias.