Une tarte au citron et à la meringue, un gâteau au chocolat étagé, des truffes belges à la noix de coco, des chocolats au lait… Les traces de Pâques sont encore bien visibles dans ma cuisine, mais des traces ô combien appréciées! Admettez que les différentes fêtes seraient beaucoup moins savoureuses sans petites douceurs, sans plaisirs sucrés ou salés à se mettre sous la langue. Pire, imaginez comment la vie deviendrait ennuyeuse si, du jour au lendemain, on nous privait du «goût»… Fini, la finesse d'une coupe de fruits frais sur une terrasse ensoleillée, l'été, ou le réconfort d'un café suave alors que souffle une énième tempête de neige. On comprend pourquoi la revue d'Art Le Sabord consacre son nouveau numéro (le 79) à la «bouche»!
C'est pour souligner son 25e anniversaire que la revue trifluvienne qui jumelle arts visuels et littérature publiera une série de cinq numéros sur les sens. En entrée, elle sert, tel que mentionné, une soixantaine de pages sur le goût. Un sens qui, bien qu'il soit simple à décrire, demeure somme toute difficile à illustrer… Le Sabord a pourtant parfaitement mis la table pour un tel repas. Son directeur artistique et éditeur Denis Charland a su rassembler des ouvres fort évocatrices. Il a entre autres choisi les poétiques installations d'assiettes de porcelaine de François Morelli, les étonnants cours de pomme de Lynda Baril – je craque pour ses figurines sculptées dans la pomme et conservées dans des pots de gelée -, les langues fascinantes (et pas mal repoussantes) de Guy Blackburn et une création de cendres de bois de forêt boréale de Gilles Morissette. Une sélection qui nous amène à poser un regard neuf sur nos papilles, mais qui nous fait également voyager à travers nos propres souvenirs gustatifs. En une fraction de seconde, je me suis retrouvée au beau milieu d'un verger rougeoyant de la rive sud à la fin de l'été 1984, puis… devant le rayon des langues de porc à l'épicerie!
Par ailleurs, côté textes, le directeur littéraire Guy Marchamps a tout aussi bien réussi son coup en mettant entre autres au menu les mots sensuels de Marjolaine Deschênes, l'érotisme de la plume de Brigitte Caron, l'écriture sucrée de Paul Dallaire, un récit particulièrement odorant de Nancy Raymond Saint-Laurent et les souvenirs aux arômes jeannois et serbes de Monique Juteau.
Hum… Bien que ce ne soit sans doute pas son principal objectif, cette nouvelle publication nous donne envie de croquer dans la vie, de faire une grimace à l'hiver qui refuse de tirer sa révérence. Honnêtement, la plupart de ses illustrations, avec leurs couleurs chaudes et vibrantes, valent une bonne dose de vitamine C! En plus, elles nous mettent l'eau à la bouche pour le prochain numéro.
Tant qu'à attendre le printemps, pourquoi ne pas le faire avec le sourire aux lèvres et… un bonbon exquis sur la langue?
Lire du bout des lèvres ou dévorer des yeux. Une revue culturel de la qualité de «Art Le Sabord» est un délice pour la vue en plus d’être une fierté pour la Mauricie qui lui a donné vie.
Tout ce que je souhaite, c’est que ce merveilleux mélange de littérature et d’arts visuels ne se protitue pas comme nombre de journaux, de magazines ou de revue à fausse vocation culturelle alors que ce ne sont que des médias publicitaires. Dommage que feu «Le sorteux», rebaptisé «Voir», se vende aux plus offrants : les pubs de cigarettes et de chars. Plein la page et plein la face. Sur 10 pages de texte, 5 de pub. À ce compte, Voir, ce soit-disant journal culturel, portera bien son nom parce qu’il n’y aura plus rien à lire mais tout à voir.
Requiem pour un journal ?