Entre guillemets

Des prix et des oranges

 Je suis allergique aux concours. J’ai pourtant accepté de faire partie du jury de la finale de la 11e édition des Mardis de la relève au Gambrinus. Lors de cette soirée, des bands pour le moins éclectiques étaient en compétition. Il y avait Thorn Acoustic, un mélange de Pearl Jam et de métal acoustique, Mary-Go-Run, de la vraie dynamite, ainsi que les Mallèchés (sic), une brillante rencontre entre Johnny Cash et Richard Desjardins (pour rependre les mots d’un de mes collègues). Avec des genres aussi différents, imaginez le casse-tête pour désigner un gagnant. 
L’ambiance était surchauffée. Déjà une demi-heure avant l’entrée en scène du premier band, la microbrasserie avait l’air d’une fourmilière, le bruit en plus. Un stylo à la main, j’attendais tout en me demandant de quoi aurait l’air cette finale. Il y avait des fans partout dans la salle, des gens des médias. Un caméraman de la télévision locale circulait entre les tables; ce qui donnait d’ailleurs du lustre à l’événement. Cette simple vision me confirmait que le concours avait grandi. Autrefois, l’événement n’attirait que trop peu de journalistes.
Pendant les quelque 30 minutes précédant le premier accord du concours, mes pensées vagabondaient dans tous les sens. Je pensais au soutien technique, aux musiciens sans doute nerveux, mais surtout à l’importance que ces derniers pouvaient accorder à un événement comme ça. Prenaient-ils cela comme un défi, une occasion de plus de monter sur scène? Jouaient-ils leur raison d’être? Se sentaient-ils vraiment en compétition ou voyaient-ils ce concours comme une rencontre amicale? Je me demandais tout cela parce que, bien que ça fasse plaisir, je n’ai jamais carburé aux prix et j’ai toujours trouvé qu’il était difficile, voire inapproprié, de comparer des pommes et des oranges. Car tout peut être «bon», mais pour des raisons et des occasions différentes. En contemplant la foule, j’espérais donc que le choix qui serait fait en fin de soirée ne freine pas quelqu’un dans sa démarche artistique.
Quelqu’un avait-il vu ces points d’interrogation dans mes yeux? Puisque deux bands, pendant leur prestation, ont insisté sur le fait que les Mardis de la relève étaient avant tout une compétition amicale. D’ailleurs, quand les prix ont été respectivement remis aux Mallèchés (gagnants), Mary-Go-Run (deuxième place) et Thorn Acoustic (troisième place), on ne sentait aucune animosité, aucune colère. Et le lendemain, ça m’a fait plaisir de découvrir ce mot de Dan Mallèché dans ma boîte de courriel: «Hey! Félicitations aux autres bands. On a eu chaud et c’était vraiment pas gagné d’avance. Une bonne main d’applaudissements au Gambrinus et aux organisateurs des Mardis de la relève.» 
Hum. J’aime bien ce genre de réaction!