Entre guillemets

Créer en famille

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<p>Comme journaliste, je me sens privilégiée de pouvoir assister depuis six ans à l'ouverture médiatique des expositions de l'Espace Shawinigan. Car chaque fois, l'artiste ou un conservateur du Musée des beaux-arts du Canada – parfois même les deux! – est sur place pour nous expliquer l'histoire et le procédé artistique de chacune des œuvres d'art présentées. Pour apprécier l'art contemporain, avouez qu'il n'existe pas de meilleure méthode! Dommage que la plupart des visiteurs doivent se contenter d'audioguides qui, bien qu'ils soient très utiles, ne remplacent pas la richesse d'un véritable échange. Plus que le résultat final, c'est souvent le parcours que l'artiste a emprunté pour y arriver qui rend son travail intéressant, unique. Lorsqu'on ne peut parler directement avec lui ou avec son «représentant», on perd souvent une grande dimension de son œuvre, voire la clé pour sa bonne compréhension. </p>
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<p><strong>Voir au-delà…</strong></p>
<p>En raison de leur côté spectaculaire, les œuvres hyperréalistes de Ron Mueck attirent inévitablement la lumière des projecteurs sur elles. Partout, on véhicule les images du nouveau-né plus grand que nature, de la femme venant tout juste d'accoucher ou de la vieille dame semblant attendre patiemment le passage de la Faucheuse. Pourtant, le travail de Guy Ben-Ner, qui expose dans la deuxième salle de l'Espace Shawinigan, est tout aussi fascinant, sinon plus, puisque l'artiste y incorpore «la vraie vie». </p>
<p>Guy Ben-Ner réalise des vidéos d'art, des courts métrages. Ce que je trouve particulièrement touchant dans ses créations, c'est que l'artiste d'origine israélienne collabore toujours avec les membres de sa famille. Il ne les exclut pas de son processus créatif. Lors de la rencontre médiatique, le conservateur Jonathan Shaughnessy racontait d'ailleurs que M. Ben-Ner était devenu père alors qu'il était encore étudiant en arts. Comme il n'avait pu se résoudre à choisir entre devenir un bon artiste mais un mauvais père ou un bon père mais un mauvais artiste, il avait décidé de jumeler les deux rôles. Voilà pourquoi, selon les besoins du scénario, sa femme et ses deux enfants figurent dans ses films. Imaginez donc la tendresse et la complicité qui se dégagent de ses œuvres! </p>
<p>Dans une ère où l'individualisme et le célibat ont la cote, il y a quelque chose de marginal dans le travail de Guy Ben-Ner. Admettez qu'on a plus tendance à vouloir évacuer notre famille de notre sphère professionnelle qu'à vouloir l'y inclure. Pourtant, elle peut vraiment l'enrichir. Elle n'est pas nécessairement un boulet. Le travail de Guy Ben-Ner le prouve bien. </p>