Entre guillemets

Polémique Polytechnique

Depuis quelques semaines, alors que la
sortie en salle de <i>Polytechnique</i>
approche de plus en plus (le film prend l'affiche ce vendredi), diverses voix
se font entendre, remettant en question la pertinence de recréer au grand écran
la tragédie du 6 décembre 1989. Ou du moins, lesdites voix s'élèvent afin de
nous faire savoir qu'elles n'ont absolument aucun désir d'aller voir le long
métrage de Denis Villeneuve.

<p>Le chroniqueur Yves Boisvert, par
exemple, a écrit dans <i>La
Presse</i> du 28 janvier que, ayant déjà été viscéralement
bien qu'indirectement confronté à la tuerie de l'École Polytechnique à l'époque,
il ne voyait pas quel intérêt il aurait à revivre le tout à travers le prisme
du cinéma: «<i>Ce
film, je n'ai pas joué dedans, je l'ai seulement vu et on me l'a raconté et
analysé et suranalysé et je n'irai pas le revoir, même si c'est fait avec la
plus parfaite intelligence</i>.»</p>

<p>On ne peut que respecter ce choix mais,
si ce n'est que d'un point de vue de cinéphile, Polytechnique m'apparaît
incontournable. Loin de me demander pourquoi ce film a été produit, je me
demande plutôt pourquoi il a fallu aussi longtemps avant que cet événement soit
transposé au cinéma. Alors que près de 20 ans séparent l'élan meurtrier de Marc
Lépine de celui de Maxim Gaudette (l'interprète de Lépine dans le film), aux
États-Unis, trois ans seulement après le massacre de l'école Columbine, Gus Van
Sant s'en inspirait pour réaliser son <i>Elephant</i>. Même chose pour les
attentats du 11 septembre 2001, qui ont déjà fait l'objet de plusieurs films (<i>United
93,
World
Trade Center</i>,
etc.).</p>

<p>Le réputé critique de
cinéma américain Roger Ebert répète souvent que ce qui importe dans un film, ce
n'est pas son sujet, mais bien la façon dont ce sujet est abordé. En d'autres
mots, il n'y a pas de bon ou de mauvais thème en soi; c'est l'approche du
cinéaste qui fera toute la différence. L'œuvre qui en résultera sera peut-être admirable,
ou peut-être sera-t-elle lamentable, mais notre jugement ne devrait se baser
que sur la qualité (ou pas) du travail des créateurs, pas sur la notion qu'il
est d'emblée inacceptable d'aborder tel ou tel sujet. </p>

<p>Qui plus est, avant de
se prononcer à propos d'un film comme <i>Polytechnique</i>,
pourquoi ne pas commencer par aller le voir? </p>