<p>Je fais partie de ceux qui ont profondément détesté <i>L’Âge des ténèbres</i> et son point de vue réactionnaire empreint d’animosité, si bien que pendant un moment, j’ai presque remis en question mon admiration pour <b>Denys Arcand</b>. Certains ne se sont d’ailleurs pas gênés pour le faire, clamant que les défauts de <i>L’Âge des ténèbres </i>étaient déjà présents dans <i>Les Invasions barbares </i>et les autres films du plus internationalement célèbre de nos cinéastes. </p>
<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_mauricie/C%C3%A9line%20Lomez%20et%20Claude%20Blanchard%20dans%20Gina.JPG"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_mauricie/C%C3%A9line%20Lomez%20et%20Claude%20Blanchard%20dans%20Gina.JPG" align="left" border="0" hspace="10" alt="" /></a>Ces jours-ci, je me suis réconcilié avec l’œuvre d’Arcand en revisitant deux de ses premiers longs métrages de fiction, soit <i>Réjeanne Padovani </i>et <i>Gina</i>. Bien que les préoccupations sociopolitiques et le cynisme du réalisateur aient en effet toujours fait partie de son cinéma, les films qu’il a tournés dans les années 1970 sont bien différents de ses plus récents. D’abord, alors qu’Arcand semble aujourd’hui s’être résigné à vivre dans une société qui lui pue au nez, il démontrait à l’époque un désir ardent non seulement de dénoncer les injustices, mais aussi de contribuer à ce que les choses s’améliorent en exposant lesdites injustices au grand jour. </p>
<p>Personnellement, j’estime que c’est généralement ce qui s’est passé. Les politiciens qui fraient ouvertement avec la pègre, les journalistes et les militants qui se font tabasser par les hommes de main du pouvoir, les instances gouvernementales qui censurent les cinéastes pour ne pas froisser les grandes industries, les usines de textile qui exploitent impunément leurs travailleurs et travailleuses, les tavernes où les rares femmes sont traitées comme du bétail et les autres horreurs que le cinéaste dépeint dans <i>Gina </i>et <i>Réjeanne Padovani </i>sont choses du passé, non?</p>
<p>L’autre élément qui distingue ces premiers films d’Arcand est leur violence, qui positionne le réalisateur québécois dans la même mouvance que ses contemporains américains qui ont eux aussi rejeté la vision édulcorée du monde mise de l’avant par le Hollywood de la première moitié du 20e siècle, préférant tourner leurs caméras vers les aspects les plus sombres de l’humanité. Je ne crois pas qu’Arcand ait côtoyé directement Scorsese et Coppola dans les années 70, mais il a certainement vu leurs films et, consciemment ou pas, a été influencé par eux. </p>
<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_mauricie/Denys%20Arcand,%20l%E2%80%99ange%20exterminateur.jpg"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_mauricie/Denys%20Arcand,%20l%E2%80%99ange%20exterminateur.jpg" align="right" border="0" hspace="10" alt="" /></a>Pour illustrer encore plus clairement la fureur de tourner qu’affichait à l’époque Arcand, voici un extrait d’un entretien réalisé avec lui dans le cadre du Conseil québécois pour la diffusion du cinéma en 1971 (et reproduit en ouverture de <i>Denys Arcand, l’ange exterminateur</i>, la biographie qu’a signée Réal La Rochelle en 2004): </p><blockquote>«<i>Je me sens de plus en plus en sympathie avec les bandits, la petite pègre et tous les marginaux. Je n’ai plus d’idées sur rien, sauf des images de cauchemar. Je voudrais bientôt faire un film sur la corruption inouïe, la bêtise et la dépravation de ceux qui nous dominent. Je suis un cinéaste professionnel: Have Gun, Will Travel…</i>»</blockquote>
<p>Avouez qu’on était loin du cinéaste qui, des années plus tard, réaliserait des «films sans fusils» mettant en scène des baby-boomers libidineux et des banlieusards blasés!<br /><br /></p>
Denys Arcand: Have Gun, Will Travel
Kevin Laforest