Pauvres, mais heureux?
Entre guillemets

Pauvres, mais heureux?

 

Cette année encore, une Grande Rencontre citoyenne était organisée dans le cadre du Salon du livre de Trois-Rivières. La question posée cette fois-ci: Peut-on vivre de son art en région?

Bien entendu, les réponses ont été aussi multiples que le nombre d'individus qui participaient à cette soirée. Pour la plupart des créateurs ayant pris la parole, la réponse était positive. Leur intervention invitait par contre à une sous-question: À partir de quel montant d'argent peut-on dire que l'on vit bien de son art?

Le salaire moyen d'un artiste en Mauricie se situe autour de 17 700 $, soit quelque 5 000 $ de moins que celui d'un créateur montréalais. Un montant peu enviable qui ferait abandonner à n'importe quel illuminé l'idée de pratiquer son art de manière professionnelle, ici ou ailleurs. Surtout lorsque l'on sait que la majorité des artistes doivent multiplier les sources de revenus pour arriver à ça: enseignement, second boulot plus lucratif… Par contre, si l'on se fie aux différents commentaires émis pendant la rencontre de jeudi dernier, le montant à partir duquel on atteint un certain confort n'a rien de très ambitieux. Par exemple, deux membres de la compagnie de théâtre Les Sages fous ont affirmé vivre assez grassement avec 20 000 $, qu'ils ne sauraient quoi faire avec plus, qu'ils avaient par ailleurs quitté la métropole dans le but de se consacrer uniquement à leur art. Une joaillière a abondé dans le même sens. Elle a exprimé que c'est en toute connaissance de cause qu'elle a opté pour un métier moins payant – elle était jadis enseignante – mais ô combien enrichissant. Du coup, elle a adapté son train de vie en conséquence.

 

La vie en rose

 

À les entendre, j'avais l'impression qu'on ne devait jamais espérer obtenir le beurre et l'argent du beurre, qu'en choisissant le métier d'artiste, on embrassait automatiquement une existence modeste. Comme si le bonheur, le vrai, ne se comptait pas en billets verts. Je percevais d'ailleurs une certaine reconnaissance dans leurs voix souriantes. On aurait dit qu'ils se sentaient privilégiés d'être payés pour faire quelque chose qu'ils aiment.

Dans un sens, je pense comme eux. Faire un boulot que l'on adore, ça n'a pas de prix. À partir du moment où l'on gagne assez d'argent pour avoir un toit, des vêtements convenables, de la bouffe sur la table et quelques hobbys, je crois qu'on peut facilement être heureux. Gagner plus d'argent donne, certes, un plus grand pouvoir d'achat, mais ce n'est pas un gage de réussite, tant sur le plan professionnel que personnel. Je ne sais pas qui je plains le plus: un artiste heureux qui gratte les fonds de tiroir ou un salarié qui gagne annuellement 60 000 $, mais qui déteste profondément son travail?

C'est sûr que, dans un monde idéal, tout le monde obtiendrait le juste salaire pour son travail. Mais il semble que ce ne soit pas cela, la réalité. N'oublions pas qu'il n'y a pas que le métier d'artiste qui soit précaire. Je connais bien des commis et des caissières qui aimeraient que le salaire minimum augmente… Dans le fond, tout repose sur une question de choix de vie.