Noir et blanc
Entre guillemets

Noir et blanc

 

Je savais que j'en ferais réagir plusieurs avec ma chronique de la semaine dernière – je disais entre autres être favorable au projet d'amphithéâtre sur le site de Trois-Rivières sur Saint-Laurent. C'était d'ailleurs l'objectif. J'avais envie de vous lire sur le sujet. Et il faut avouer que ça a fonctionné!

Je ne vous cacherai pas que mon opinion sur la construction de l'amphithéâtre n'est pas tranchée au couteau. Elle oscille entre le oui, le non et le peut-être. La rêveuse en moi aime croire que l'idée est réalisable. Admettez que le projet sur papier en met plein la vue. Honnêtement, je craque pour le site et sa vue imprenable sur le fleuve. Je me vois déjà, habillée d'une robe d'été, applaudissant une époustouflante prestation d'un acrobate du Cirque du Soleil. Je m'imagine, dans ce lieu surpeuplé, me gonfler de fierté: «Wow! Je ne suis pas à Québec, Montréal ou New York, mais à Trois-Rivières.»

Il est vrai que si l'amphithéâtre s'avère plus souvent désert que grouillant de monde, mon sentiment d'orgueil risque d'en prendre pour son rhume. C'est d'ailleurs ce que craignent plusieurs Trifluviens, si j'ai bien compris. Et ils ont probablement raison. En ce moment, existe-t-il une réelle demande pour une énième salle de spectacle à Trois-Rivières, et de grande envergure de surcroît? Pas si sûre. La superbe salle J.-Antonio-Thompson est le lieu de diffusion qui peut recevoir un maximum d'individus. Et il arrive, plus souvent qu'on ne le souhaiterait, que le public ne réponde pas à l'appel. D'ailleurs, des artistes de renommée internationale – je pense entre autres au compositeur français Michel Legrand ou, récemment, aux New Cities – se sont déjà produits devant une poignée de spectateurs. Et là, on parle d'une salle d'un peu plus de 1000 sièges. On imagine le défi de taille pour les administrateurs de l'amphithéâtre de Trois-Rivières sur Saint-Laurent, dont la capacité d'accueil sera encore plus grande.

Au début, les citoyens seront sans doute au rendez-vous. Mais une fois l'effet de la nouveauté dissipé, répondront-ils encore «présent»? Laissez-moi en douter, surtout lors des jours de pluie ou des soirs plus frisquets.  On peut compter sur les touristes, mais encore. Ainsi, comment la Ville rentabilisera-t-elle ce projet, dont les coûts de construction sont estimés à quelque 40 millions de dollars? En attendant constamment l'aide des gouvernements? En consolidant des partenariats avec le privé? En allant piger dans les poches des contribuables? Toutes ces réponses?

Bref, comme chez bien des gens, le projet d'amphithéâtre sur le site de Trois-Rivières sur Saint-Laurent éveille en moi une tonne de questions. Ce qui m'amène parfois à douter de sa rentabilité. Par contre, une autre part de ce que je suis veut y croire, et en a assez de toute cette bisbille. J'aime penser que chacun a bien fait ses devoirs et a évalué les risques. Sinon pourquoi s'entêterait-on à construire un bateau condamné à couler?