Entre guillemets

Quand l’art goûte le ciel

 

Si je vous signalais que de l'art, j'en mange, j'imagine que votre premier réflexe serait de vous dire que je passe tous mes temps libres dans les galeries et les musées, non? C'est vrai que j'entretiens beaucoup d'affinités avec les arts visuels. Mais, depuis deux semaines, je peux affirmer au sens propre que j'ai déjà croqué dans une ouvre. Et là, n'allez pas croire que, lors d'un moment de folie, j'ai planté mes canines dans la toile d'un créateur quelconque ou que j'ai grugé le pied d'une sculpture. Non, non, non… Ça n'a rien à voir avec ça. D'ailleurs, si j'avais fait une telle bêtise, je ne crois pas que j'en parlerais publiquement!

En fait, le 18 avril dernier, j'ai participé à une visite gustative au Centre d'exposition Raymond-Lasnier. Cet après-midi-là, des chefs et des traiteurs de Trois-Rivières – le Saint-Germain bistro et Le Cheval sautoir faisaient entre autres partie des invités – avaient concocté des bouchées sucrées inspirées de certaines estampes de Vent d'est, une exposition qui mettait en valeur le travail de neuf artistes chinois. J'avais visité celle-ci quelques semaines auparavant. J'étais donc curieuse de voir comment les chefs cuisiniers allaient se l'approprier.

 

Variations sur le même thème

D'abord, je dois avouer que j'étais particulièrement heureuse de constater que plusieurs personnes avaient répondu à l'appel. Il est rare qu'on se déplace en masse dans les galeries. Je retiens donc que tous les miracles sont possibles quand on s'adresse aux estomacs!

Sinon, j'ai été charmée par les créations culinaires, qui étaient toutes très différentes. Par exemple, à partir d'une ouvre qui représentait une sensuelle femme dansant le flamenco ou la salsa, on avait imaginé un délicat gâteau aux fruits. Là, il n'y avait aucune comparaison à faire avec la fameuse pâtisserie du temps des Fêtes. Le dessert proposait une texture beaucoup plus moelleuse, en plus d'incorporer des litchis. Il semblait presque valser dans notre assiette avec son glaçage très funky qui rappelait les couleurs de la toile. Outre cette version orientale du gâteau aux fruits, on avait préparé des crêpes dessert en forme de sushis, des muffins parfumés à l'eau de rose et au gingembre, des chocolats au caramel salé… Les chefs s'étant laissé inspirer tant par le thème d'une estampe que par ses couleurs, ses formes et ses lignes.

 

De la bouche à l'oil

Je dois admettre qu'on regarde une ouvre d'art différemment lorsqu'on mange une bouchée qui s'en inspire. On s'y attarde davantage; on essaye de repérer le détail qui a touché le cuisinier et on se demande s'il provoque la même émotion chez nous. Et quand on a la bouche pleine, on a la meilleure raison du monde pour garder le silence et plonger notre regard dans la création qui se trouve devant nous.

Hum… J'ai déjà hâte à la prochaine visite gustative. Dire que c'est seulement le 17 juin prochain; un cocktail 5 à 7, dont les bouchées seront cette fois inspirées de la Biennale nationale de sculpture contemporaine.