Ce jour-là, j'ai le trac. Je m'apprête à aller au vernissage de l'exposition À la vie, à la mort du photographe Walter Schels et de la journaliste Beate Lakotta, au Musée des religions du monde à Nicolet. Ce projet, qui a été présenté un peu partout dans le monde, s'intéresse au processus de la mort. Ainsi sont exposés les clichés de personnes se sachant condamnées, avant et après le passage de la faucheuse.
Pour me préparer, j'ai étalé le maximum de photos devant moi: des découpures de journaux, le carton d'invitation à la rencontre de presse… D'abord, mes yeux se posent sur les visages pleins de vie. Un homme regardant par-dessus ses lunettes paraît attendre une réponse de ma part. Il y a aussi cette dame qui me rappelle vaguement Kathy Bates et cette fillette malade dont le mystère de l'existence semble caché au fond des pupilles. Puis, mon regard balaye doucement vers la droite… Je vois les mêmes individus, mais morts cette fois. Leurs paupières sont fermées, leur visage n'a pas de véritable expression – tous leurs muscles sont relâchés, ce qui laisse croire à un sommeil paisible.
Chaque fois, j'éprouve le même malaise. Ma gorge se noue, j'ai un haut-le-cour et je cours placer les documents hors de ma vue. Ce n'est pas que le travail de Schels et Lakotta soit de mauvais goût. Au contraire, il dévoile un très grand respect envers ses sujets. C'est simplement que je n'arrive pas à regarder la mort. Ça me fait peur. On l'a tellement évacuée de nos vies que d'y être confrontée me trouble.
Avouez qu'aujourd'hui, on ne prend plus vraiment le temps de pleurer les êtres que l'on perd. On les expose rapidement, puis la vie doit reprendre son cours normal. Dans un monde qui encourage la performance et le culte de l'éternelle jeunesse, on dirait que la période de deuil doit être la plus courte possible. Une façon peut-être de nier la mort. Mais pendant qu'on ferme les yeux sur «l'aboutissement ultime de l'existence», on ne fait rien pour apprivoiser nos angoisses. Et nos peurs continuent de grandir… Avant, il y avait la religion catholique qui nous offrait un léger réconfort avec son paradis et sa vie éternelle. Mais, après l'avoir sortie à grands coups de pied de notre quotidien, il y a maintenant bien peu de choses auxquelles on peut se rattacher.
J'espère donc trouver un peu de paix avec les ouvres d'À la vie, à la mort. En côtoyant davantage la mort, on ne peut que tranquillement l'apprivoiser, non? En tout cas, je vous ferai part de mes impressions après avoir visité l'exposition présentée en grande première nord-américaine à Nicolet. D'ici là, si vous voulez vivre par vous-même l'expérience, le Musée des religions du monde accueille le projet jusqu'au 6 septembre. www.museedesreligions.qc.ca
« À la vie, à la mort » est une exposition qui rend mal à l’aise car la mort est un sujet tabou. Tellement que de nos jours l’incinération est presque toujours demandée comme dernière volonté. Presque jamais de corps embaumé mais plutôt une image d’une personne lorsqu’elle était en santé à côté d’une boîte de cendres. Les gens veulent qu’on se souvienne d’eux lorsqu’ils étaient en pleine forme et non lors de leur déclin. Il faudrait regarder la mort en face mais peu d’entre nous en sommes capables. Le Musée des religions était l’endroit tout indiqué pour ce genre d’oeuvre.