En coulisse
Entre guillemets

En coulisse

 

J'imagine que ça devait arriver un jour: pour la toute première fois de ma vie, je me suis pointée en retard à un spectacle.

Je devais assister à l'avant-première de Gravity of Center du Rubberbandance Group, compagnie de danse montréalaise. Mais après avoir mitraillé mes consignes au gardien de service, fait un peu de vitesse et couru sans trop d'élégance dans la rue des Volontaires, je me suis frappée à une porte close. Comble de malchance, ce soir-là, on n'acceptait pas les retardataires. Un fait rare. Très rare. «Ça n'arrive seulement qu'une ou deux fois par année», m'a indiqué une préposée, visiblement mal à l'aise.

 

De mauvaises habitudes

Quand on m'a appris la nouvelle, je ne savais trop comment réagir: la colère se mélangeait à la déception. Ça me choquait de ne pouvoir assister à la représentation, surtout après ma course contre la montre. D'un autre côté, je comprenais qu'on me refuse l'accès. En fait, je trouve que ça devrait toujours être ainsi. Les artistes, qui cumulent souvent des heures de répétition incroyables, devraient avoir le droit de se produire dans les meilleures conditions possible. Ils ne devraient pas être distraits par des portes qui grincent ni par des spectateurs impolis qui cherchent leur siège à voix haute. Non, ils devraient avoir la possibilité de profiter d'une petite bulle de silence, tout comme le public déjà sur place.

Admettez que c'est dérangeant de voir une lumière bleutée qui arpente les rangées ou d'entendre des chuchotements une fois que la machine est partie. Car il en faut rarement davantage pour briser l'atmosphère que l'artiste essaie tant bien que mal de tisser dès les premières minutes. Une bonne partie de l'assistance tourne la tête, maugrée intérieurement, froisse son programme, toussote, puis regarde la scène d'une manière distraite. Pour l'artiste, tout est à recommencer; il doit réussir à capter de nouveau l'attention du public.

 

Un peu de chance

Est-ce en raison de mon sourire ou de la déception qui se lisait sur mon visage? On m'a finalement permis d'assister au spectacle, mais assise dans les marches. Les préposés à l'accueil devaient ouvrir les portes pour un homme venu du Texas; je pourrais en profiter pour me faufiler discrètement. De toute ma vie, je n'ai jamais autant rasé les murs… et savouré la chance que j'avais d'être à la Maison de la culture.

Le spectacle que j'ai vu valait l'inconfort de l'escalier. Les danseurs de la compagnie fondée par Victor Quijada, de vrais athlètes, étaient époustouflants! Dans les chorégraphies, qui s'interrogeaient sur la réaction de l'homme lorsque ses besoins premiers ne sont pas comblés, on sentait la fragilité de l'être humain lorsqu'il est seul, mais aussi sa force quand il est entouré. En entrevue, Quijada avait promis un spectacle de danse pure. Et c'est ce qu'il a livré.