Voir autrement
Entre guillemets

Voir autrement

 

C'est dans le magnifique jardin du Manoir de Tonnancour, mieux connu sous le nom de Galerie d'art du Parc, que le coup d'envoi de la quatrième Biennale nationale de sculpture contemporaine (BNSC), Trompe-l'oil au cube, aux limites du vrai et du faux, avait lieu vendredi dernier. Cet après-midi-là, tout le gratin des arts visuels et de la culture à Trois-Rivières semblait s'être donné rendez-vous. Pour clore une semaine en beauté, il était difficile de faire mieux: un vin d'honneur, un soleil éclatant, un vent délicat et de l'art actuel au cube! Je comprends qu'un maximum d'individus ait acquiescé à l'invitation. Surtout qu'édition après édition, la BNSC a pris l'habitude de surprendre.

Sans doute comme plusieurs, j'avais très hâte que les discours protocolaires se terminent pour pouvoir enfin partir à la découverte des ouvres créées par les sept artistes invités. Une fois le dernier mot officiel prononcé, je me suis donc rapidement lancée. Je voulais pouvoir me retrouver seule devant chaque sculpture. Car rien ne vaut un contact intime, en silence, avec une ouvre. Là, seulement, j'ai l'impression de recevoir de manière claire son message. Dans le brouhaha, je trouve qu'un dialogue peut difficilement être établi. On se laisse déconcentrer par les commentaires des uns, on se fait pousser par les autres.  Bref, on ne profite pas pleinement du moment présent; on circule dans la galerie comme dans un magasin à rayons.

 

Des ouvres qui parlent…

Bien que je n'aie pas eu de grands coups de cour, j'ai eu beaucoup de plaisir à effectuer le parcours de la BNSC – la Galerie d'art du Parc, la Maison Hertel-De La Fresnière, le Centre de diffusion Presse Papier et le Centre d'exposition Raymond-Lasnier sont les quatre lieux d'exposition.  À la Galerie d'art du Parc, l'artiste montréalais François Morelli m'a fait rêver avec son étrange structure suspendue mixant les caractéristiques d'un parasol à celles d'un fouet. En entrant dans la pièce où étaient alignés en diagonale des seaux d'eau et de sable, j'ai eu l'impression d'être propulsée quelque part dans le futur, à la plage. Puis, le Torontois d'adoption Kai Chang a arrêté le temps avec sa vision du lieu imaginaire Sangri-La. Les montagnes, qu'il avait dessinées à l'aide d'aiguilles de pin insérées dans le mur, semblaient perdues dans un nuage de brume. D'ailleurs, chaque visiteur qui s'arrêtait devant l'ouvre échappait ce même commentaire: «Oh! C'est zen!»

Mais je garde surtout en tête le travail de Rebecca Belmore à la Maison Hertel-De La Fresnière. Une immense corde de bois placée de façon à représenter un foyer d'un côté, et de l'autre, les coupes à blanc. Sans les commentaires de la guide, je n'aurais jamais saisi le propos. Sauf qu'une fois informée, tout était si clair. J'étais d'ailleurs touchée qu'une artiste illustre avec autant de brio ce problème. En effet, avec seulement des clous, du tissu et du bois, l'artiste de la Colombie-Britannique donne une vue à vol d'oiseau d'une forêt décimée. Comme quoi l'art actuel ne s'adresse pas juste à l'élite; il amène à réfléchir sur des sujets qui concernent tout le monde.