Sans vague
Entre guillemets

Sans vague

Photo: Olivier Croteau

Je devais rencontrer Richard Purdy pour qu'il me remette un document, ce jour-là. Après un long jeu du chat et de la souris, nous avions finalement convenu que je me rendrais à l'Espace Shawinigan vers 17h30, peu de temps avant que le lieu d'exposition ferme ses portes.

Vu l'heure à laquelle nous nous étions donné rendez-vous, je m'attendais à faire un arrêt de deux à cinq minutes. Pas plus. C'est pourtant à une seconde visite de L'Écho-l'eau que j'ai eu droit. Et je ne m'en plains pas. Lors du vernissage de l'étonnante exposition, nous devions être entre 100 et 200 personnes –  ou peut-être davantage; je n'ai pas toujours l'oil pour estimer les foules – à faire la file pour entrer dans les différentes salles. Les quatre installations (L'Inversion du monde, Unrestored, Aquidia, Bindu: Le Big Bang) n'en perdaient pas leur côté spectaculaire. Mais, entouré d'autant de gens, il était difficile de les observer à notre guise, sans être dérangé par le commentaire d'un visiteur ébahi. Et comme une mince couche d'eau recouvre toute la surface du plancher de l'exposition, le lot de mouvements faisait qu'il y avait toujours une petite vague qui terminait sa course dans l'un de nos souliers.

 

Un lac désert

Le moment du souper arrivant à grands pas, l'Espace Shawinigan était donc désert. Il n'y avait que le créateur Richard Purdy et moi. Dans le calme le plus complet, l'installation Unrestored était plus qu'époustouflante. Les 617 toiles peintes dans le style Beaux-Arts et accrochées à l'envers sur les deux murs rouges se reflétaient dans l'eau comme dans un miroir. Ainsi, on avait l'impression que l'Espace Shawinigan avait doublé de superficie, en plus de voir le nombre de tableaux multiplié par deux. Les yeux rivés sur les toiles plutôt que sur le sol à guetter la prochaine onde, on pouvait aussi remarquer que beaucoup d'humour se glisse dans le travail de Purdy, qui affirme avoir besoin d'être distrait pour créer. C'est que, parmi les tableaux exhibant des sujets prisés au 17e et au 19e siècle, apparaît à quelques reprises le personnage de Bob l'éponge, le héros préféré de l'artiste. Pour le découvrir, il faut cependant prendre le temps d'examiner tout ce qu'il y a sur les murs.  

Au bout d'Unrestored se trouve Aquidia, une sorte d'hommage à la drave. Là, des billots ciselés datés de 1864 par un test au carbone 14 rappellent le Saint-Maurice d'une époque pas si lointaine. Il faut d'ailleurs un peu d'agilité – sans doute comme les draveurs – pour se rendre jusqu'au bout de la pièce, où une pluie fine tombe du plafond et crée des arcs-en-ciel suivant l'heure du jour. M. Purdy m'a raconté que des visiteurs cyclistes en profitent parfois pour prendre une petite douche froide avant de poursuivre leur route. Mais des parapluies sont disponibles pour ceux qui préfèrent rester au sec!

Finalement, la visite se termine avec Bindu: Le Big Bang. Une installation dans le noir le plus complet où quelque 30 000 objets fluorescents flottent à la surface de l'eau et donnent l'impression d'une ville vue à vol d'oiseau la nuit. En contemplant le spectacle, le créateur riait encore en pensant aux paniers de jouets qu'il avait achetés au Dollarama.

Oui, ce jour-là, je ne pensais pas visiter à nouveau L'Écho-l'eau. Mais, après mon tour guidé avec Richard Purdy, je constate qu'on peut arpenter plusieurs fois le même lieu sans jamais vivre la même expérience. C'est donc avec un plaisir renouvelé que je devrais encore retourner à l'Espace Shawinigan cet été.