Entre guillemets

Le vieil homme et le marais

La météo ne s'était pas trompée. Elle avait prédit un soleil de plomb et c'est ce que dame Nature nous servait. Faire les courses n'avait donc rien d'intéressant en ce beau dimanche matin. Quoi de plus déprimant que de s'enfermer pendant les dernières chaleurs de l'été!

Après une série de soupirs et de «Qu'est-ce qu'on fait?», j'ai proposé à ma petite famille de mettre le cap sur une ville qui, bien qu'on la croise sur la 40 lors de nos différents voyages à Montréal, nous était tout à fait inconnue: Berthierville.

Dans Québec Nature, un vieux guide de 2005 que j'avais déniché dans la bibliothèque, on vantait les beautés du Sentier d'interprétation de la commune de Berthier et de l'île du Milieu: «Avec ses huit  kilomètres de sentiers pédestres qui sillonnent tantôt l'île de la Commune, tantôt l'île du Milieu, ce site vous fera découvrir toute la richesse d'un marécage typique du lac Saint-Pierre.» Un endroit fréquenté bon an mal an par quelque 204 espèces d'oiseaux, en plus d'une vingtaine d'espèces de mammifères (marmotte, loutre de rivière, vison…) et de six types d'amphibiens et de reptiles, dont deux espèces de tortue. Tiens, ça allait nous changer du McDo et du Tim Hortons, les seules images que nous avions de cette ville en bordure de l'autoroute!

 

Un milieu sec

Rendus sur place, nous étions très excités de découvrir toute cette nature luxuriante. Déjà, les premiers mètres du sentier aménagé avec soin annonçaient de grandes choses. Puis, on a croisé une intersection. Il fallait faire un choix: soit on allait vers le barrage, soit vers le marécage. Les deux parcours étaient difficilement envisageables, vu la longueur des trajets. Embêtée, j'ai donc dérangé un vieil homme qui se reposait tranquillement sur un banc: «Bonjour, est-ce que vous êtes un habitué des lieux?

– Je viens ici depuis maintenant trois ans.

– Est-ce qu'il y a un parcours qui est plus beau que l'autre?

– Je ne saurais vous dire. Les deux sont jolis.

– Nous, nous aimerions voir des points d'eau…»

 

Notre échange fit place au silence. L'homme, visiblement découragé, continua d'une voix douce tout en tripotant son appareil photo: «De l'eau, il n'y en a plus! Il doit bien manquer trois pieds d'eau au fleuve; ça se reflète jusqu'ici.» Gloups! Comme réponse, on s'attendait à tout sauf à ça. Et ça ne nous aidait pas dans notre prise de décision: «Prenons le Chemin du barrage, il doit bien y avoir un cours d'eau dans cette direction. Autrement, cette route porterait un tout autre nom!»

Eh bien, on a marché pendant plusieurs kilomètres dans des sentiers secs, sans aucune trace d'eau. Oui, il y avait quelques indices nous signalant qu'il y avait déjà eu sur ces terres un marécage: un ponceau, un ancien refuge de salamandres, une végétation un peu grise… Mais pas d'oiseaux, pas de reptiles… 

Puis, bien que deux marcheurs nous aient confirmé qu'il y avait réellement un petit cours d'eau au bout du sentier, nous avons décidé de rebrousser chemin, un peu troublés par la disparition de ce milieu humide, habitat de plusieurs êtres vivants. Était-ce là une autre confirmation du réchauffement de la planète? Je préfère ne pas entendre la réponse.