Entre guillemets

La peur, cette affreuse créature

 

L'Halloween se fait de plus en plus sentir: les films d'épouvante occupent une part inhabituelle de la programmation au cinéma et un nombre croissant de citrouilles et de fantômes apparaissent maintenant chaque soir dans mon quartier. Et c'est sans parler de tous ces commerces qui semblent s'être passé le mot et laissent quantité d'araignées tisser des toiles sur leurs murs et leurs plafonds. Difficile de ne pas être influencé par cette ambiance inquiétante. Alors, question d'être dans le ton, parlons de la peur.

J'ai récemment fait une entrevue – elle s'est d'ailleurs retrouvée à la une du journal du 14 octobre – avec l'auteur Michel Châteauneuf pour la sortie de son roman La Société des pères meurtriers. Un thriller noir comme la nuit. Une histoire qui ferait frissonner n'importe quel parent sain d'esprit. Car ce bouquin, dont le titre indique clairement le contenu, aborde un des crimes les plus incompréhensibles qui soient: tuer son propre enfant. Et dans ce cas-ci, ce qui est encore plus troublant, c'est que le personnage principal le fait volontairement, «à tête reposée». Brrr…

 

Un sujet en horreur

Petit privilège du métier, Châteauneuf m'avait envoyé l'épreuve de son livre avant qu'il ne soit publié. Je profiterais ainsi de beaucoup de temps pour le parcourir et préparer l'entrevue. Pourtant, à partir du moment où j'ai tenu la pile de feuilles entre mes mains, j'ai figé. Mère d'un bambin de presque deux ans, je me sentais incapable de plonger dans cette fiction ignoble. Un soir de courage, j'ai réussi à lire trois pages. Mais j'ai vite rangé le document sur ma table de chevet, sous une pile de revues, le plus loin possible de ma vue.

Le jour fatidique du lancement arrivant à pas de géant, je ne pouvais plus reculer: il fallait que j'affronte une fois pour toutes cette histoire qui me donnait des haut-le-cour. C'était ça ou je me présentais non préparée à mon entrevue avec l'écrivain trifluvien, aussi enseignant au Collège Laflèche. Le choix n'a pas été difficile. Professionnalisme, quand tu nous tiens! Je me suis donc installée dans le fauteuil le plus confortable de la maison, j'ai pris une garde respiration, puis j'ai fait le grand saut.

Une fois le choc du niveau de langage passé – les personnages de Châteauneuf parlent dans une langue crue, parfois sale et empreinte de préjugés -, je me suis étonnamment fait happer par l'intrigue de La Société des pères meurtriers. Les heures passaient sans que je m'en rende compte. Et croyez-le ou non, j'ai eu toutes les misères du monde à déposer le thriller pour aller dormir. J'étais scotchée à mon siège. Plutôt qu'une nausée, c'est finalement un plaisir coupable qui m'habitait.

Comme quoi nos peurs nous privent parfois de bien bonnes choses. Bouh! Joyeuse Halloween!