Écrire n'est pas un art…
Entre guillemets

Écrire n’est pas un art…

Voilà ce qu'avance l'ex-rédacteur et concepteur publicitaire montréalais Louis Gauthier dans le dernier numéro de la revue Art Le Sabord, sous le thème de la métamorphose.

Citant René Daumal, qui pense que l'art est «l'accomplissement d'un savoir dans une action», il clame que l'écrivain n'est pas un artiste puisqu'il ne travaille ni avec la matière ni avec son corps. «Parler de l'art culinaire ou de celui de la parfumerie a plus de sens que de parler d'un art d'écrire», affirme celui qui a publié huit livres, dont Voyage en Irlande avec un parapluie. En fait, selon sa logique, s'il existe un art en lien avec l'écriture, c'est celui de la calligraphie.

Oui, peut-être. Il reste que cette affirmation bouscule, choque, dérange. Car elle nous oblige à revoir le rôle et les fonctions de l'auteur. Du coup, un fait qu'on croyait inébranlable n'est plus. On m'aurait annoncé que le soleil tourne autour de la lune ou que le pape est une femme que je n'aurais pas été plus surprise.

S'il ne peut porter la coiffe de l'artiste, qu'est-ce qu'un écrivain? Un technicien qui construit des histoires? Un secrétaire de l'âme? Un gratte-papier?

Mais quelle question! Un programmeur.

Je vous entends répéter à l'unisson, sceptiques: un programmeur?

 

La part du lecteur

«Écrire est un code et c'est nous, lecteurs, qui le décodons. Tout est dans notre tête à nous: les sons, les couleurs, les parfums, les visages, les images. C'est nous lecteurs qui sommes les artistes», estime Gauthier.

Hum… Je suis forcée d'admettre que sur ce point, il n'a pas tout à fait tort. Une ouvre littéraire – une juxtaposition de lettres, voire de signes pour un analphabète – ne peut exister qu'à travers l'imaginaire des lecteurs. Sans leurs yeux, elle ne peut vivre.

Une large part de création est laissée aux lecteurs dans un livre. Selon leur fantaisie, il jouira de certains parfums, images et couleurs. Jamais les mêmes. Selon l'inspiration du moment, son enrobage changera.

Mais les «artistes en herbe» ne font que modifier un canevas déjà établi. Un peu comme s'ils faisaient de la peinture à numéros, ils colorent des cases avec attention, en se permettant parfois de déroger au code établi. La promeneuse devrait arborer une rousse chevelure? Pourquoi ne pas la teindre en noir? Ça lui donnerait un air plus ténébreux…

Les lecteurs ne sont que des metteurs en scène. Pas des artistes. Ils ne font pas virevolter leurs doigts sur le clavier d'ordinateur. Ils ne griffonnent pas des notes sur des bouts de papier. Ils ne dessinent pas les courbes des personnages. Ils n'imaginent pas d'histoire.

Et s'il existe quelques similitudes entre un programmeur et un écrivain, il reste que ce dernier jouit d'un don magnifique: celui de faire rêver, de nous amener ailleurs.

Comme tous les artistes…