Condamnés à l’ombre?
Léger instant de culpabilité.
En apprenant que l'humoriste Laurent Paquin présentait Sans prétention, sa toute première exposition à la nouvelle boutique-galerie Le Marchand'arts à Trois-Rivières, ma première réaction fut de me dire: wow! Il va falloir que j'aille voir ses toiles!
On m'aurait annoncé les noms de l'excellent Normand Boisvert ou de l'aquarelliste Lorraine P. Dietrich, je n'aurais pas eu le même intérêt.
Pourtant, Paquin avoue lui-même qu'il n'est pas un vrai peintre. Il lance d'ailleurs à la blague que si ses personnages portent des foulards – il peint essentiellement des scènes d'hiver -, c'est parce qu'il est incapable de dessiner des visages.
Malgré tout, je suis certaine que nous avons été plusieurs à griffonner sur un bout de papier l'adresse du Marchand'arts dans le but de découvrir le travail de ce «faux peintre». Qui n'est pas curieux de connaître le coup de pinceau de l'humoriste?
Admettez que dès qu'un artiste de la scène ou de la télévision jouit d'un minimum de popularité, tout le monde s'intéresse à ses talents cachés: chant, peinture, cuisine, joaillerie, origami… Il pourrait réaliser des tours de magie poches qu'on ferait la queue pour les voir.
C'est pourquoi je me suis demandé si les artistes professionnels en arts visuels n'étaient pas parfois un peu jaloux de l'attention accordée aux humoristes, chanteurs ou comédiens qui s'improvisaient peintres ou sculpteurs. Eux qui ont étudié les beaux-arts, qui passent leur vie à peaufiner une technique, qui coupent leur lait avec de l'eau quand les tableaux ne se vendent pas doivent trouver ça frustrant de se faire voler la vedette. Surtout quand on sait que les arts visuels n'ont pas vraiment la cote dans les médias. Ces créateurs doivent parfois être révoltés d'être condamnés à l'ombre alors que des artistes populaires sont applaudis pour la pointe d'un talent.
En tout cas, moi, je le serais. Mais tant que le public ne développera pas un intérêt particulier pour les galeries d'art, il faudra des Laurent Paquin pour l'y attirer. En ce sens, ces personnalités connues deviennent des «outils» nécessaires pour que les vrais artistes profitent d'un peu plus de lumière.