Je ne saurai jamais combien la nouvelle exposition Histoires fantastiques: mythes et légendes de chez nous aura coûté à la Corporation culturelle de Shawinigan. À deux reprises, la muséologue Clémence Bélanger, qui porte le projet sur ses épaules depuis 2008, a, volontairement ou non, esquivé ma question.
Une chose est sûre, si elle avait pu compter sur un simple million, elle aurait sauté au plafond. Car les possibilités sur le plan technologique auraient alors été illimitées. Mais, pas de surprise, les millions vont essentiellement aux musées d'État.
Madame Bélanger et son équipe ont donc composé avec un tout petit budget. «Au départ, on avait le double d'idées de ce qu'on a pu mettre dans l'exposition. L'aspect financier nous a restreints», m'a-t-elle confié, dans le brouhaha de l'ouverture officielle.
Pourtant, lorsqu'on s'aventure dans l'univers inquiétant d'Histoires fantastiques, on se demande comment quelques dollars de plus auraient pu faire mieux. Déjà, l'expo, qui entreprendra une tournée canadienne dès l'automne, fascine par l'originalité de sa présentation et du sujet qu'elle traite.
D'abord, dans le foyer du Centre des arts, l'artiste de Saint-Raymond, dans Portneuf, Sophie Moisan nous met en appétit avec une série de tableaux issus de sa collection L'accrocheuse de toiles. Toutes ces ouvres s'inspirent des personnages et de l'univers du conteur Fred Pellerin.
Puis, quand on pousse la porte du Centre d'exposition Léo-Ayotte, un mystérieux village plongé dans la pénombre s'offre à nous. Là, il est entre autres possible d'en apprendre sur d'étranges phénomènes et d'inquiétantes créatures tels les loups-garous.
Comme l'un des objectifs de ce projet est de faire rayonner la Mauricie en dehors de ses frontières, un module présente aussi les différents conteurs de la région: Fred Pellerin, Bryan Perro et bien d'autres.
Mais le coup de cour de l'organisation est une cabine téléphonique dans laquelle le public est invité à raconter, en toute intimité, un conte. Une façon de garder en vie notre mémoire collective. Grâce à ce module, des contes et des légendes devraient être cueillis sur tous les territoires que l'expo visitera. «Toutes les semaines, je vais télécharger son contenu, qu'elle soit en Ontario ou en Nouvelle-Écosse. Nous, à Shawinigan, on va faire une base de données qui va pouvoir servir à la population et aux chercheurs», m'a expliqué avec enthousiasme Clémence Bélanger.
Eh bien, même sans million, l'équipe d'Histoires fantastiques: mythes et légendes de chez nous a réalisé quelque chose d'exceptionnel. Son secret? Outre ses importants collaborateurs, je soupçonne une bonne dose de créativité et de persévérance.