Entre guillemets

Laver son linge sale en public?

 

Avant jeudi dernier, le nom de Denis Nadeau m'était parfaitement inconnu. Comme la plupart d'entre vous, je ne connaissais rien du talent du sculpteur de Saint-Côme, dans la région de Lanaudière.

Puis, un matin, un message dans ma boîte de courriel. L'homme me faisait part d'un conflit autour d'une sculpture de Fred Pellerin qu'il avait «gossée» dans le bois. Comme il n'avait pas demandé l'autorisation de ce dernier pour utiliser son image, la gérante de l'artiste le priait de renoncer à son projet. Se sentant lésé dans sa liberté d'expression, il me demandait donc «s'il était permis de représenter des personnalités qui occupent volontairement ou non l'espace public».

Les droits d'auteur, quel sujet délicat! Ne sachant que faire avec ça, un peu mal à l'aise de me retrouver au cour de cette controverse, j'avais décidé de mettre ce courriel temporairement de côté. La nuit porte conseil après tout.

Le lendemain, que vois-je à la une de notre quotidien local? La fameuse sculpture de Fred. Finalement, M. Nadeau n'avait pas juste contacté le Voir. Plus d'un média était au courant de l'affaire.

En voyant ça, j'ai serré les dents et retenu un gros juron. Ne pensez pas que j'étais froissée de ne pas avoir l'exclusivité de l'histoire. J'étais plutôt choquée que le sculpteur passe par les médias pour régler ses comptes. Si on se fie à l'article du Nouvelliste, l'artiste de Lanaudière ne voulait pas simplement en savoir davantage sur ses droits d'auteur. Il voulait cracher haut et fort sa frustration. Moi qui avais cru à un «appel de détresse» d'un pauvre artiste en quête d'information…

 

Le bon lieu

Je comprends que Denis Nadeau soit déçu de la réaction de Fred, qui ne souhaite pas qu'on utilise sa face dans un but lucratif. Mais était-ce nécessaire de le crier sur la place publique? Lorsqu'un auteur essuie le refus d'une maison d'édition pour un manuscrit, alerte-t-il la planète média? Non, il se retrousse les manches et le retravaille ou frappe à d'autres portes. Car son but est que son ouvre trouve, un jour, un écho.  En ce sens, n'aurait-il pas été mieux que M. Nadeau cherche un terrain d'entente avec le conteur?

Si le débat autour de la liberté d'expression est relancé, sa «cause» auprès de Fred Pellerin est maintenant perdue. Après tout ce cirque médiatique, je doute que le résident de Saint-Élie-de-Caxton lui cède les droits pour sa sculpture. À moins qu'il n'emprunte la voie légale – et là, l'issue d'un procès est inconnue -, M. Nadeau ne pourra vendre son ouvre 15 000$ comme il le voulait.

Retour à la case départ.

Ou peut-être pas. Comme l'histoire a fait le tour de la province, le travail du sculpteur est désormais connu de tous. L'avantage de laver son linge sale en public…