Entre guillemets

Déposer les armes

 

C'était il y a 11 ans. La formation world trifluvienne Val Salva jouait ses premiers accords au moment où, de retour dans la région après presque quatre années universitaires dans les Cantons-de-l'Est, je faisais mes premiers pas comme journaliste culturelle.

Pour moi, Val Salva a toujours fait partie du paysage culturel de la Mauricie. Une valeur sûre du coin. Alors quand, par la voie d'un communiqué, j'ai appris sa dissolution lundi dernier, j'ai eu un petit choc.

Heureusement, aucun conflit n'est sous-jacent à cette séparation. Les membres actuels du groupe – Grégoire Brière, François Adams, Éric Charland et Annick Bernatchez – se disent au revoir avec le sourire. C'est juste qu'après plus d'une décennie, ils n'en peuvent plus de récolter les mêmes fruits. Des fruits délicieux certes, mais qui, année après année, affichent le même poids, le même diamètre.

Brière et Adam, les fondateurs, auraient souhaité que le destin du band soit différent, que la musique de celui-ci touche un maximum de cours à l'extérieur des frontières de la Mauricie. Mais après trois albums indépendants, plus de 400 concerts, ils en sont toujours au même point: Val Salva n'est pas leur gagne-pain principal.

Comme ils ont vieilli, ont des familles et un vrai boulot en marge de leur art, ils manquent désormais de temps pour poursuivre leur travail de défrichage. Peu motivés à marcher éternellement dans le même jardin, ils préfèrent donc mettre un «stop» à l'aventure.

 

La chance du hasard

Cette petite mort ravive cette éternelle question: pourquoi est-ce si difficile pour un band régional, aussi talentueux soit-il, de percer le marché national? Il y a bien sûr la loi du nombre. Et comme dans n'importe quoi, il y a aussi la question du timing, soit être à la bonne place au bon moment. Nombreuses sont les histoires qui commencent par une rencontre inopinée, un démo qui s'est retrouvé entre les bonnes mains. Voilà pourquoi j'ai souvent l'impression qu'en plus du talent, il faut aussi être chanceux à la loterie.

Val Salva, qui comptait de nombreux inconditionnels dans la région, avait tout pour réussir: deux chanteurs charismatiques, des chansons entraînantes, une énergie incroyable sur scène et une solide détermination. Or, malgré ses efforts, sa musique est demeurée un secret bien gardé. Trop bien gardé.

Le quatuor dépose ses instruments, mais il ne tire pas complètement le rideau. Les compositions de son ultime disque, toujours en vente chez Archambault à Trois-Rivières, continueront d'être proposées sur le Net. Bien que cela ne soit sans doute pas son objectif, Val Salva garde ainsi, dans sa poche arrière, un billet pour la loterie de la musique. Qui sait s'il ne sera pas gagnant un jour…