Des fameux «GG» – ouf, comme si nous allions oublier qu’il s’agit des prix du Gouverneur général, prix qu’ont d’ailleurs refusés plusieurs auteurs au fil des années – aux Prix des libraires, en passant par les Prix du Québec, Prix Félix-Leclerc, Prix France-Québec, Prix TD, et des dizaines, voire centaines d’autres prix sont remis chaque année, au Québec, de la petite tape dans l’dos, à la bourse bien remplie.
Pourtant, si favorables soient le geste, les bourses, les nominations et les honneurs, il semble que tout ne soit pas si rose au pays des prix littéraires. Marie-Francine Hébert confirmait, dans un entretien récent, que «Gagner un prix du Gouverneur général, au Canada, c’est immensément prestigieux, mais au Québec, ça veut rien dire, et les éditeurs vous le confirmeront, ça affecte très peu la vente de livres. C’est difficile à comprendre. On en est encore là.»
Dans un article paru dans le plus récent numéro de L’Actualité, Tristan Malavoy-Racine interroge Perrine Leblanc, à ce sujet, elle qui a remporté un prix du Gouverneur général en 2011. Celle-ci affirme que le prix a donné un deuxième souffle à son roman, surtout du côté du Canada anglais puisque plusieurs éditeurs ont manifesté leur intérêt pour la publication d’une traduction. On y voit donc une tendance se dessiner de l’autre côté de la Rivière des Outaouais, mais pas encore ici. Dans le troisième numéro de Nouveau Projet, Christian Desmeules posait quelques bases de cette problématique qui affecte, somme toute, la durée de vie d’un livre.
Se pourrait-il que nous soyons moins bien informés sur le caractère prestigieux des prix littéraires décernés, que la société tende désormais vers un concours de popularité plutôt que vers la reconnaissance de la qualité d’une oeuvre? Se pourrait-il encore que certains prix aient un caractère plus accessible, tel que les prix des libraires ou le prix littéraire des collégiens ou le Grand Prix de Montréal, face aux prix du Gouverneur général, aux Goncourt ou autres Renaudot et Médicis? Je pose la question, ne sachant comment y répondre moi-même.
Encore aujourd’hui, on célébrait les premiers noms déterminés du Prix des libraires du Québec, édition 2014. «Cette célébration annuelle, coordonnée par l’Association des libraires du Québec, met en lumière le rôle essentiel de découvreurs des libraires, en honorant des auteurs dont les œuvres se sont imposées cette année par leur qualité littéraire et leur originalité», assurait-on. Le libraire, cet ami fidèle, aurait donc un rôle de premier plan non seulement dans la reconnaissance du caractère essentiel de certains ouvrages, mais aussi dans la recommandation auprès du public de ces dits ouvrages. Toujours en entrevue, Marie-Francine Hébert soulevait qu’on ne retrouvait pas aisément les livres nommés ou lauréats de prix littéraires, en librairie, sauf chez les librairies indépendantes, tel que Monet, à Montréal.
Que faut-il comprendre de tout ceci? Est-il possible qu’un prix littéraire québécois n’ait d’effet que sur la reconnaissance au Québec? Et si c’est le cas, comment briser ce cercle d’auto-congratulation et permettre l’éclatement du schème pour offrir une porte grande ouverte vers l’extérieur, pour les oeuvres de nos auteurs de talent?
Je serais bien curieuse de connaître les effets réels des prix littéraires sur les désirs et choix des lecteurs. Certes, recevoir un prix – et même une nomination – doit être franchement fabuleux et aucun auteur ne pourra dire le contraire – enfin, certains en refusent, des prix, mais de là à dire que c’était une insulte que d’être nommé ou lauréat, il y a un pas que je ne crois pas qu’ils soient prêts à franchir – mais qu’en est-il de sa perception chez le lecteur?
Rendez-vous de la BD de Gatineau
Il reste encore quelques jours au Salon du livre de Montréal, mais on pense déjà à l’après, au prochain rendez-vous littéraire. À Gatineau, se préparent les Rendez-vous de la bande dessinée, événement qui aura la talentueuse Iris Boudreau comme présidente d’honneur, cette année. Des dizaines de bédéistes du Québec se réunissent donc pour faire découvrir leurs dernières productions au public qui se rendra aux RVBDG. Jimmy Beaulieu, Djief Bergeron, Michel Falardeau, Philippe Girard, Annie Groovie, Julien Paré-Sorel, Christian Quesnel, Paul Roux et Zviane seront de la partie pour l’occasion et participeront à diverses activités d’animation, telles que BD en direct, tables rondes, rencontres d’auteurs, lancements d’albums, séances de dédicace, etc, le tout animé par l’excellent Hugues Beaudoin-Dumouchel. La LiQIBD, première ligue d’improvisation au Québec dédiée à l’impro BD, sera aussi au rendez-vous.
Les RVBDG, du 29 novembre au 1er décembre, à la Maison du Citoyen de Gatineau.
Vous entrouvrez ici – un peu plus encore – une porte qui déjà bâille et grince, Madame Ledoux. Du coup évoquant les désolantes notions que sont l’esprit de clocher ou le repli identitaire. Le syndrome du vase clos.
Dans notre Québec qui se distingue hélas par un taux d’analphabétisme abyssal, on trouve malgré tout à maugréer s’il est question de prix du livre. Tous prix confondus. Prix de vente et prix de reconnaissance. On peste allégrement contre ce qui ne nous rejoint pourtant que fort peu. Que ce soit par inaptitude à pouvoir nous y intéresser davantage ou par simple inclination.
Et puis, comme si la situation n’était pas suffisamment étriquée dans un marché au lectorat potentiel plutôt famélique, on n’échappe pas non plus au «Nul n’est prophète dans son pays» venant enlever une couche additionnelle à ce qui n’était pas très dense au départ.
C’est ainsi que j’ai une chère amie québécoise poétesse et artiste-plasticienne avec qui, malgré nos divergences d’opinions politiques (elle est une souverainiste convaincue tandis que je ne le suis pas du tout), je partage la même sphère de création artistique. Je suis musicien auteur-compositeur et elle est peintre-sculpteure-poète.
De mes chansons jouent ailleurs qu’ici, notamment et curieusement à la radio au Viêtnam depuis peu, tandis que mon amie a récemment été lauréate d’un prestigieux prix littéraire décerné outre-Atlantique chez nos cousins français. Et son recueil de poésie encensé? Ne vous fatiguez pas à le chercher ici au Québec. Disponible uniquement par commande spéciale, en importation privée.
Mais… comment devrait-on s’y prendre pour tenter d’un peu remédier à pareille situation? Tout comme vous-même qui ne semblez pas trop le savoir, Madame Ledoux, de mon côté je n’en ai pas la moindre idée non plus.
Là-dessus, bonne journée… malgré tout.
Vous êtes bien jeunes. Heureusement que vous n’étiez pas nés dans les années 30. Mais, moi si. Si le lectorat est peu nombreux, il était jadis inexistant. Ma génération ne terminait pas son primaire. Il fallait travailler sur la ferme. La première fois que j’ai vu une bibliothèque, j’étais passablement vieux. Jusque dans les années 1960, il y avait deux bibliothèques publiques à Montréal. Et l’une d’elles ne prêtait pas de livres. Consultation sur place seulement. Si les gens ne lisent pas, les faits prouvent le contraire. Il y a maintenant 25 bibliothèques publiques, lesquelles organisent des rencontres avec les écrivains qui sont très courues. Il existe plusieurs revues littéraires et les blogues littéraires sur le Net sont incalculables et très lus. J’ai un blogue et 78,000 personnes lisent mes commentaires des oeuvres québécoises.
http://www.litterature-quebecoise.com/
Dans les années 1960, il y avait deux librairies à Montréal. Maintenant il y en a dans tous les quartiers. Quand j’étais jeune professeur, aucune école primaire ou secondaire comptait de bibliothèque. Maintenant toute école a sa bibliothèque. Et que penser des salons du livre. Ça n’existait pas avant les années 1970. Il y avait une exposition du livre à Montréal qui se tenait dans un espace restreint d’un édifice disparu au profit de l’UQUAM.
Ce qui manque pour augmenter le nombre de lecteurs, c’est la publicité télévisée. C’est simple comme bonjour. Aussitôt que l’on voit un écrivain à la télévision, le lendemain, les lecteurs accourent pour se procurer son oeuvre. Les gens lisent, il faut être aveugle ou être trop jeune pour le reconnaître.