Grandes gueules

La misère des riches

Vous connaissez le roi Midas, qui voulait tout changer en or? Son histoire finit mal, parce que c’est terrible d’être riche. Tout devient froid, et on finit seul dans une cage dorée, loin de la chaleur et de la grisaille vivifiante de la pauvreté.

Prenez René Angélil. Vous pensez qu’il nage dans le bonheur? Eh bien non! René est affreusement seul et dépressif. Un chien battu. Un homme misérable à qui il manque l’essentiel, c’est-à-dire la méga-giganto extase qui s’enracine dans l’ordinaire de la vie. Les shish-taouks en famille. Attendre comme tout le monde sur un terrain de golf. Faire la queue à la Caisse Pop. Payer ses contraventions. Descendre en Floride en auto. Angélil est un homme seul et malheureux, et moi, ça me tire les larmes. Stéphan Bureau a vraiment fait l’entrevue de sa vie quand il nous a montré le «vrai» Angélil, l’humain, l’homme dans le plus profond de l’homme.

La grandeur d’Angélil, c’est sa persévérance. Malgré la profonde mélancolie qu’il porte chaque jour sur ses épaules, René persiste et signe. Il nous annonce qu’il va porter la grandeur du savoir-faire québécois encore un moment, jusqu’au 31 décembre 1999, date d’un méga-giganto spectacle au Centre Molson. Chez lui, chez nous, en famille, dans une vaste embrassade, un flouche-que-flouche pure laine. Un «swing la bottine dans le fond de la boîte à bois» vu et entendu partout dans le monde. Céline chantera probablement C’est dans l’temps du jour de l’An pour les p’tits Cambodgiens, les Congolais et les talibans.
Le riche Angélil passera le cap de l’an 2000 en famille. Moi, je lui dis merci d’attendre jusque-là pour commencer à vivre. Tous les riches n’ont pas sa générosité, et il en faut quelques-uns qui sachent se sacrifier pour nous.

René s’est sûrement fait plein d’amis chez sa belle-famille. Particulièrement Claudette, qui sait maintenant qu’elle a tiré le bon numéro, comme Ginette Reno.

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C’est pas facile d’être riche, et encore moins de faire du commerce international. D’être une multinationale comme IKEA et de faire fabriquer ses meubles par des enfants.

Pensez-vous que ça leur fait plaisir, chez IKEA, d’engager des enfants? On voit bien que vous savez pas ce que c’est.

D’abord les enfants sont plus performants à court terme, mais moins résistants dans un plan quinquennal. Quand y en a un qui tombe dans la machine, ça salit. Et puis, c’est pas fiable, les enfants. Il faut engager leur mère pour les encadrer. Conséquence: on a tout le village dans l’usine. Et bientôt, ça demandera des écoles. Vous voyez ça d’ici? Obligée de retarder une ligne de production pour leur apprendre à lire, la direction d’IKEA aura une excuse toute faite pour expliquer les fautes de français sur ses modes d’emploi. Et qui c’est qui va en faire les frais? Nous autres, pauvres consommateurs occidentaux!

Heureusement, y a plein d’observateurs allumés qui nous demandent de faire notre part. «Le travail des enfants apporte la prospérité dans le tiers-monde, disent-ils. Quand on ouvre une usine chez les pauvres, on leur donne du travail.» Certes, au début, on en perd quelques-uns dans le processus. Mais qu’est-ce qu’un enfant qui meurt de fatigue en aiguisant des boulons avec ses molaires quand on pense à la marche inexorable vers la prospérité qui le nécessite?

Les riches qui font dans l’industrie sont seuls au monde. Personne ne comprend qu’ils sont des gauchistes dans l’âme. Que tout ce qu’ils ont à cour, c’est la richesse collective. Faire travailler les enfants, ça a l’air dégueulasse, mais pensez à l’économie sur les garderies. C’est probablement pour ça que Jean Chrétien a des amis tyrans, pour économiser sur les garderies.

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Vous avez vu ce qui arrive à la chorale de l’Accueil Bonneau? Ils chantent dans le métro au pays de Boudu sauvé des eaux. La nouvelle ne précise pas à quel hôtel ils sont descendus ou si, par solidarité pour leurs cousins français, ils font du camping sous les ponts.

J’entends déjà les mauvaises langues si la chorale de l’Accueil, par bonheur, faisait un malheur. «Z’avaient trop d’argent? Fallait le dilapider dans une tournée?» C’est ça, le malheur des riches. Quand ils sont heureux et pauvres, on les prend sous notre aile. Mais quand ils se prennent en main pour devenir riches et malheureux, voilà-t’y pas qu’on les jalouse.

L’Accueil Bonneau à Paris, c’est probablement une idée d’Angélil. Par pur égoïsme. Aller chercher les pauvres entre les pauvres pour en faire des stars. Leur faire voir enfin ce que c’est que de réussir et d’avoir mal à sa vérité existentielle. Et leur faire comprendre qu’on est si bien pauvre et malade. Attendez, c’est pas fini. Z’ont peut-être des enfants, nos itinérants. Qui sait si le fameux spectacle de l’an 2000 ne sera pas sponsorisé par IKEA, avec la chorale des petits clodos, en marche vers la prospérité?
On vit vraiment une époque formidable.