Grandes gueules

Où sont les Verts?

La planète se réchauffe dangereusement. Pour les ennemis de l’hiver, cela ne signifie pas toutefois la remise de tuques et bottes de ski-doo dans la collection d’artefacts du musée d’anthropologie. Ce que cela signifie, c’est que le code vestimentaire de la saison froide devra s’enrichir de bottes de caoutchouc, de pompes et de génératrices, pour nous permettre de survivre aux nouvelles rigueurs de l’hiver.

C’est pour éviter cette abomination stylistique que le Canada a signé les accords de Kyoto: une réduction moyenne des émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % (soit au même niveau qu’en 1990, déjà un seuil critique) à l’horizon 2008-2012.

Toutefois, ces objectifs aussi minces soient-ils ne seront pas atteints. Déjà, nous consommons 12 % plus de C02 qu’en 90. En 2008, ce sera 25 % de plus. Pourtant, au Parlement et à l’Assemblée nationale, ces données n’ont même pas provoqué un haussement d’épaules.

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Au Canada, comme au Québec, les consciences environnementales sont décimées. On l’a vu lors de la dernière campagne électorale fédérale, et on le constate une fois de plus dans celle-ci.

De priorité numéro un, deux ou trois, au milieu des années 80, les questions environnementales figurent maintenant sur la liste des espèces présumées disparues.

Parce qu’il n’y a personne sur la planète politique pour s’en occuper. Parce qu’il est de tradition canadienne d’utiliser les ministères de l’Environnement non pas pour préserver la qualité de notre environnement, mais à titre de tremplins pour dauphins politiques. Et les dauphins, on adore ça, nous qui avons passé notre enfance à regarder Flipper.

Et ça marche! Les hommes politiques les plus populaires au Québec sont deux anciens ministres de l’Environnement sous Mulroney. Ces deux cétacés indélogeables de la politique québécoise proposent rien de moins que de livrer la protection des écosystèmes, et la réduction de la pollution de l’eau, du sol et de l’air, aux volontés de l’entreprise privée. L’heure du saccage a sonné.

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La réglementation environnementale tue la croissance économique du Québec, paraît-il. Alors, il faut «réglementer moins et mieux». Ça veut dire quoi au juste? ÇA NE VEUT RIEN DIRE! C’est vide comme une cruche, inutile comme la pellicule spéciale Bio-Minceur.

Il est temps que la voix écologiste colonise le débat politique. Comme en Europe, où les Verts sont le courant politique qui progresse le plus à l’heure actuelle.

Crédibles, les Verts? Entré pour la première fois en 1983 au Parlement fédéral allemand, le tout nouveau député vert Joshka Fischer, vêtu de jeans et chaussé de baskets, avait lancé au président de l’Assemblée: «Sauf votre respect, monsieur le président, vous êtes un connard!» Quinze ans plus tard, il est nommé ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier d’Allemagne. Quatre des quinze ministres de l’Environnement de l’Europe sont des Verts.

Au Québec, c’est plutôt mal parti. La dernière graine de Parti vert qui restait a été dissoute juste avant le lancement des élections. La seule fois où les Verts ont fait une percée significative, ce fut en 1989, quelques mois après l’incendie de l’entrepôt de BPC de Saint-Basile-le-Grand, et de la cour de pneus usagés de Saint-Amable. Ils avaient récolté 2 % des votes.

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N’empêche, pour les questions environnementales, les Québécois se comportent comme les chiens de Pavlov. Nous réagissons seulement à la vue de la catastrophe télégénique. RDI est sur place: «C’est épouvantable!». RDI n’est pas sur place: on dort au gaz. Les pylônes poussent comme des pissenlits au printemps dans votre cour arrière? Arrêtez le massacre! Pendant ce temps, la vraie catastrophe, elle, se poursuit.

Des régions entières agonisent parce qu’il n’y a plus de bois à couper, coupes à blanc obligent. Après qu’on eut investi des milliards de dollars dans le traitement des eaux usées, la qualité de l’eau ne s’améliore pas, parce que les règlements environnementaux ne sont pas respectés en agriculture. Les mini-centrales vont pulluler sur les rivières québécoises, tous les partis étant branchés sur cette nouvelle conception de production d’énergie.

Les stocks de poissons disparaissent. Les biogaz s’infiltrent partout dans les maisons de Fleurimont. Des centaines de condos vont pousser au milieu du parc du Mont-Tremblant, l’un des milieux naturels parmi les plus exceptionnels au Québec. Les réservoirs d’Hydro-Québec se vident, le déversement des pluies acides se poursuit sans inquiéter les politiques. Des industries les plus polluantes s’installent un peu partout malgré les avis contraires du Bureau d’audiences publiques en environnement.
Où sont les Verts?