Décidément, les tuiles ont commencé à pleuvoir sur la tête du «plus beau pays du monde». Pendant que l’écart continue de s’élargir entre les familles riches et les familles pauvres, j’apprenais, dans un rapport intitulé Le progrès des enfants au Canada, que la situation se dégrade pour les enfants pauvres, et que Montréal vient au premier rang de ce triste palmarès avec un taux de croissance de 8 %. On apprend aussi que le taux de chômage le plus élevé se situe chez les jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans.
Où s’en va notre jeunesse? D’après ce rapport, elle s’en va chez le diable!
Ce qui m’écoure, c’est que les élus ne comprennent absolument rien au problème. Prenez la campagne électorale provinciale, par exemple. Au début, les jeunes n’intéressaient personne. Il aura fallu que Dumont glisse un mot au sujet du taux de suicide juvénile alarmant, pour que les vieux partis se mobilisent et rencontrent Suicide-Action à huis clos. Comme si le problème venait juste de venir au monde… Réveillez-vous, simonaque!
Depuis, le gouvernement fédéral a organisé un Sommet de l’emploi pour la jeunesse (sans doute pour prévenir les mauvais effets du rapport), et Bouchard en a promis un autre pour bientôt.
Toute cette attention, c’est gentil, ça donne l’impression qu’on comprend la jeunesse…
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Cela dit, pour que ces sommets donnent lieu à des débats intéressants, il faut que les jeunes y soient. Or, à part les associations de jeunes qui paient des représentants pour les défendre, les jeunes n’y seront probablement pas – faute de temps.
Comme toujours, nous aurons droit aux discours moralisateurs des Claude Charron, frère Untel et compagnie qui entonneront la bonne vieille rengaine: «Dans notre temps, nous autres, on s’impliquait, on manifestait, on était dix mille sur la rue Saint-Paul, on a gagné nos épaulettes, maluron, malurette! Qu’est-ce qu’ils ont, les jeunes, aujourd’hui, à se taire? Sont-ils lâches ou quoi?»
Mes chers (vieux) amis, les jeunes d’aujourd’hui triment dur à se trouver un emploi stable; à envoyer des C.V. aux quatre coins de la province; à multiplier les entrevues pour des postes toujours plus exigeants et toujours moins payants; à tenter de joindre les deux bouts et, surtout, à
mesurer toute leur impuissance à percer dans leurs milieux professionnels; pendant qu’à l’autre bout de l’échelle sociale (lire désormais: salariale), les bons vieux hippies créent des clauses orphelin, se complaisent dans leur permanence, se préparent des régimes de retraite dorés et se foutent complètement, mais alors complètement, des jeunes qu’ils prétendront bientôt vouloir aider.
Ah, l’aubaine politique pour nos vieux amis! L’occasion rêvée de démontrer leur bonne foi! «Tu ne dis rien, mon enfant, tu ne te plains pas, et moi, tout adulte gentil que je suis, je t’aide!»
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Pourtant, nous avons vraiment besoin d’établir entre les générations des liens de confiance, de solidarité et de compréhension mutuelle. La conciliation au lieu de la démolition, le dialogue au lieu des salves d’injures.
Si la conjoncture économique des années 60 permettait aux jeunes de tout foutre en l’air sans compromettre leur avenir professionnel; aujourd’hui, la précarité et la rareté des emplois rendent chaque journée importante. Le temps, c’est vraiment de l’argent. Et les jeunes ne peuvent plus «perdre leur temps» à manifester. S’ils le font, ils risquent de rater la marche, de se péter royalement la gueule, et de devenir des marginaux, des proscrits!
Si le climat social et culturel des années 60 permettait aux jeunes de rêver à voix haute et de contester le système avec l’espoir de voir des changements, l’air du temps est aujourd’hui à la désillusion. Qui croire? En quoi mettre son espoir? Pourquoi vivre? Autant de questions auxquelles les jeunes ne savent pas nécessairement quoi répondre.
Au train où se dégradent les conditions de vie économiques et sociales des jeunes et des enfants, il va falloir intervenir rapidement. La restructuration économique du pays s’est faite essentiellement aux dépens de la classe moyenne, des pauvres et des jeunes; et rien n’indique qu’elle soit terminée. Il est urgent de secourir les jeunes en difficulté, de redonner des allocations raisonnables aux familles, et de ménager un espace où les jeunes pourront prendre leur place dans la société.
Que les plus vieux sacrifient une petite partie de leur vie dorée; ça ne les mènera pas à la faillite, et ça aidera les jeunes à sortir de la misère. C’est un cri du cour que je lance, un souhait, une lettre au père Noël!
Où s’en va notre belle jeunesse? Elle s’en va travailler pour payer ses études…