Dans une entrevue de Jean-Daniel Lafond réalisée par Richard Martineau, parue dans le dernier numéro de ce grand journal de vedettes, les deux compères profitent de la mort de Pierre Vallières pour relancer le film que Lafond a consacré au felquiste. Comme tous les moyens sont bons, ils s’attaquent à la crédibilité de mon film, Octobre. Ils ne vont pas jusqu’à me traiter de menteur, mais c’est tout comme.
Octobre repose sur des entrevues réalisées en prison, sur une période de cinq ans, avec Francis Simard, un des membres de la cellule Chénier, cellule responsable de l’enlèvement et de la mort de Pierre Laporte. La version de Simard coïncide, à quelques détails près, avec les faits révélés par la commission d’enquête Duchaîne. Mais contrairement à ce que raconte le cinéaste, Simard n’a jamais accrédité la thèse de l’accident. Mon film non plus.
Pour Simard, la mort de Laporte était la réponse du FLQ à l’état de guerre décrété par le gouvernement canadien, à l’invasion et à l’occupation armée du territoire québécois. En donnant crédit à ce qu’on appelle «la thèse de Vallières», le cinéaste et le journaliste mettent donc en doute la parole de Simard et mon intégrité personnelle.
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Je viens de relire L’Exécution de Pierre Laporte, de Vallières. Ses révélations sur les préparatifs de guerre psychologique du gouvernement canadien sont très intéressantes pour l’époque. Pour le reste, c’est proprement effarant. Seuls des hurluberlus qui n’y connaissent rien peuvent croire à ce «roman» de politique-fiction. Quand on connaît minimalement les faits, on a l’impression de lire Le Troisième Oil, Les Extraterrestres à Machu Picchu ou Le Mystère du triangle des Bermudes. Un cauchemar éveillé. Un ramassis de suppositions, de ouï-dire de troisième main, de peut-être. Du pur délire. Jamais le début du commencement d’un soupçon de preuve.
Et Vallières, en professionnel du journalisme, le sait très bien: la plus grande partie de son livre est écrite au conditionnel et sous la forme interrogative. Il n’affirme jamais rien parce qu’il ne peut rien affirmer. Il s’est construit un scénario dans sa tête et s’y accroche mordicus. Il ne raconte pas ce qui est arrivé, mais ce qui aurait pu arriver, ce qui aurait dû arriver.
«Les militants de la cellule Chenier n’auraient pas enlevé Pierre Laporte. Celui-ci n’aurait pas été détenu pendant une semaine à la maison de la rue Armstrong. Pierre Laporte n’aurait pas été exécuté par le FLQ, mais peut-être par l’armée ou par la police sur les ordres du gouvernement fédéral.»
En poussant un peu plus loin le délire, Lafond et Martineau vont sans doute nous révéler dans un prochain film que Laporte n’est jamais mort et qu’il vit maintenant sur une île dans le Pacifique avec John Kennedy, Marilyn Monroe, Elvis Presley, Hitler et Napoléon.
En reprenant à leur compte la thèse farfelue de Vallières, je me demande bien où veulent en venir le cinéaste et le journaliste, à part faire mousser le film de Lafond. Crever l’abcès? Quel abcès? L’abcès qu’ils ont dans leur grosse tête?
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Je suis bien prêt à comprendre le délire de Vallières: son livre est paru en 1977, donc avant la commission d’enquête qu’il réclamait à grands cris dans le même livre. Ce que je ne comprends pas, c’est que Vallières ne soit jamais allé interroger les felquistes eux-mêmes. Et si en plus, après la publication du livre de Simard Pour en finir avec Octobre et du rapport Duchaîne, Vallières s’accrochait encore à son scénario de science-fiction, là, il y a un sérieux problème.
Quand on fait de la recherche, on peut se tromper: c’est normal et humain. Et il faut avoir l’humilité et l’intelligence de l’admettre. Mais s’accrocher à ses chimères, dans un combat politique, c’est non seulement idiot mais criminel. Il faut au moins tenter d’évaluer le réel, le plus justement possible, et non s’accrocher à des «je pense que…», «j’ai l’impression que…».
Pour ce qui est de Jacques Rose qui n’aime pas mon film, je ferai remarquer à Monsieur le cinéaste que c’est son droit le plus strict. Cela m’attriste, mais je le comprends très bien. Mais entre rejeter un film pour des choix de mise en scène, des détails artistiques et des divergences de point de vue politique; et nier les faits historiques: il y a une marge que vous franchissez bien allègrement il me semble! Sachez Monsieur le cinéaste et Monsieur le journaliste que Jacques Rose a cosigné le livre de Simard. Vous ignorez aussi peut-être que Paul Rose et Bernard Lortie ont également mis leurs signatures sur le livre de mon ami.
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Quant au supposé «deal» entre les felquistes et la police, il faut être des salopards pour oser laisser croire une chose pareille. Quel «deal»? Simard et Rose ont été condamnés à vie. Méchant «deal»! On a libéré Simard après onze ans de prison. A l’époque, au Canada, c’était le temps moyen pour une libération conditionnelle dans un cas de condamnation à vie. Ce n’est que quelques années après qu’on a instauré la règle du vingt-cinq ans sans possibilité de libération. Quant à Paul Rose, il a fait douze ans de prison: un an de plus que la moyenne canadienne. Un vrai bon «deal»! On ne leur a jamais fait de cadeaux.
Vous avez des preuves, Monsieur le cinéaste? Ou vous marchez comme Vallières? Vous pensez que? Vous croyez que? Vous avez l’impression que? Quel «deal»? Le «deal» d’avoir un plus gros plat de «soupane» pendant onze ans? Ou le «deal» de regarder la télévision en couleurs pendant douze ans?
Moi, ça ne me dérange pas de m’être trompé. Je suis bien prêt à reconnaître mes erreurs. Mais sortez vos preuves, Monsieur le cinéaste et Monsieur le journaliste. Sinon, fermez donc vos grandes gueules sales et arrêtez de raconter des conneries. Vous faites La cloche et l’idiot.