Grandes gueules

Le fil de l’épais

En réponse au texte de Pierre Falardeau, paru la semaine dernière.

Pierre Falardeau donnant du «monsieur le cinéaste» et du «monsieur le journaliste» pour désigner les protagonistes de l’entrevue sur Pierre Vallières et L’Exécution de Pierre Laporte a d’emblée quelque chose de louche. Un gars qui carbure à l’injure, qui se dope à l’insulte et qui, au mieux de sa compassion, prend un marteau pour vous enlever la mouche que vous avez sur le front, quand il force la politesse, c’est pour mieux asséner le coup final.

Feinte, parade, et il pointe. Voici Martineau et Lafond, brocardés ensemble, la cloche et l’idiot, belle brochette passée au fil de l’épais. On a les d’Artagnan qu’on peut, parfois plus baveux que glorieux.

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Qui autorise Pierre Falardeau à penser – et surtout, à écrire – que la mort de Pierre Vallières, qui pour moi est la perte d’un ami précieux, est l’occasion que j’ai trouvée pour relancer La Liberté en colère, de connivence avec Richard Martineau, qui avait d’ailleurs, à sa sortie, passablement égratigné le film? Ce sont des stratégies de marketing que Pierre semble connaître mais qui m’échappent tout à fait.

Quelles sont les raisons de cette colère et de cette grossièreté? Y a-t-il dans mes propos et dans les questions de Martineau matière à une telle envolée? Ce qui est dit ne fait que témoigner de la position de Pierre Vallières jusqu’à la fin de ses jours sur l’exécution de Pierre Laporte. Voilà le sujet du dialogue entre Richard Martineau et moi.

Ma parole n’est pas une prise de position pour Vallières contre Simard et Octobre de Falardeau; je témoigne seulement de la constance de la position de Vallières depuis son enquête dans Le Jour, en passant par la publication de son livre, jusqu’à la scène entre Francis Simard et lui dans mon film.

Je ne prête aucune parole à Francis ou à Pierre en dehors de cette scène tournée rue Parthenais en juin 1994, et citée en référence par Richard Martineau. Dans ce tournage, Francis Simard et Pierre Vallières sont face à face, en chair et en os, ils ne sont pas doublés par des comédiens et s’expriment comme bon leur semble, en toute liberté.

La thèse de Pierre Vallières, qui est évoquée dans l’entrevue avec Richard Martineau, n’engage en rien mon jugement personnel auquel il n’est pas fait référence. Je rappelle seulement des faits et des propos dont j’ai été témoin en tant que cinéaste documentariste. Cela, en son temps, n’a mis en cause mon amitié ni pour Pierre Vallières ni pour Francis Simard.

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Aujourd’hui, la position de Pierre Vallières fait partie de l’histoire du Québec, son entêtement à la défendre jusqu’au bout mérite encore une écoute et justifie le questionnement. Nul n’a le monopole de l’Histoire, et même si Vallières a tout faux en ce qui concerne les circonstances de la mort de Laporte, on ne peut ignorer, aujourd’hui, qu’à cause de lui, il reste l’ombre d’un doute.

Tout comme mon film en 1994, je ne fais que rappeler cela. Et cela ne mérite ni les insultes de Pierre Falardeau ni le jugement abrupt de Francis Simard. Interroger le silence, au moment où la mort transforme la vie de Vallières en destin et clôt définitivement sa parole, voilà qui ne relève d’aucune fatuité de ma part. Au contraire, cela fait partie de l’humilité de la recherche, de la continuité d’une réflexion et de l’exercice de ma liberté citoyenne.

Et quand je dis qu’Octobre de Pierre Falardeau n’est pas un documentaire, même s’il repose sur une recherche honnête et documentée, ce n’est pas pour donner la charge du mensonge à la fiction et le poids de la vérité au documentaire. C’est plutôt pour rappeler la distance qu’il y a à franchir entre la vérité historique et la vérité de l’histoire, et pour dire combien nos films sont des outils modestes quand il s’agit de ne pas prendre des vessies pour des lanternes.

Mais déjà d’Artagnan s’éloigne en haussant les épaules; dommage.