Grandes gueules

Violence, école et jeux de société

Bénévole auprès de personnes handicapées physiques

Les problèmes de violence à l’école évoqués dans La Presse ces dernières semaines ne seraient-ils pas une réponse simplement «normale» des jeunes aux messages que la société leur envoie jour après jour, mois après mois?

Notre société invite à la délinquance plus qu’au respect. Depuis le début de la présente année scolaire, nous avons eu droit au saccage d’équipements de la part des pompiers du SPCUM; à l’affaire des vignettes VIP; au rapport Poitras, qui nous en a dit long sur les comportements des représentants de l’ordre; à une grève «spontanée» de nos cols bleus, un jour de verglas; à une «journée d’étude», jugée illégale, des enseignants mécontents des offres gouvernementales en matière d’équité salariale; à des grèves non moins légales de nos infirmiers et infirmières; au rapport du Curateur public sur l’hôpital Rivière-des-Prairies; à l’absolution inconditionnelle accordée à M. Gilbert Rozon; et à un jugement démontrant que le gouvernement n’avait pas respecté ses propres lois dans sa façon de répondre à la «menace» d’une hypothétique répétition du dernier verglas.

***

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, j’en déduirais vite que les lois, c’est juste pour rire; que l’ordre établi est un désordre contrôlé par ceux qui en décrètent les règles, pour mieux s’en servir.

Si j’avais huit ans, je me demanderais pourquoi je devrais respecter ceux qui ne respectent rien.

Si j’avais dix ans, j’aurais sans doute compris que tout et rien peut facilement se justifier; surtout lorsqu’on a le pouvoir reconnu par un gang: un gang d’électeurs bien organisés, un gang de députés bien financés, un gang de patrons mondialisés, un gang de syndicats bien policés.

Si j’avais quinze ans, je me dirais peut-être que l’avantage d’être adulte, c’est qu’on peut faire sa loi ou trouver des moyens de la contourner à son avantage avec un minimum de risques.

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, je saurais aussi que mes droits et ceux des autres sont d’abord une question de consensus social. Ce qui était défendu hier pourra ne plus l’être demain.

Je saurais que la marijuana, qui ne tue personne, est illégale, et que l’alcool, qui fauche des vies, se vend dans tous les dépanneurs; que je pourrai un jour prochain être le mari de mon mari, que la mère de mes enfants sera peut-être un homme; qu’en septembre, il deviendra interdit, à Montréal, de jeter ses cours de pommes dans des p’tits sacs blancs, qui eux seront toujours légaux.

Autres temps, autres lois…

***

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, je saurais que mes parents sont trop pauvres pour me donner à déjeuner; que le Québec tient des salons à Paris ou aux États-Unis; que Pierre Bourque fait sa tournée des grandes capitales, et qu’on engloutit des millions chaque année dans un stade qui coule, depuis vingt ans, comme un panier percé.

Je saurais que ma mère, prise d’un cancer, devra aller se faire soigner à l’étranger, par un médecin québécois que le Québec n’a pas les moyens de payer. Je saurais encore que Bell nous a coupés le mois passé, mais que le gouvernement du Québec va bientôt nous donner une adresse de courrier électronique.

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, je saurais que je suis un adulte virtuel. Je saurais aussi que, dans quelque années encore, je composerai le prochain consensus social.

Je saurais aussi que j’aurai intérêt à faire partie de la bonne «gang», si j’entends faire respecter mes droits – pas ceux que la loi me reconnaît, mais ceux qui me conviennent.

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, je ne perdrais pas de temps à écouter les grands. Comme eux, je me ferais ma «gang».

Comme eux, je mettrais les poings sur la table, je m’équiperais de quelques matraques, d’un peu de poivre de Cayenne, et j’imposerais ma loi.

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, je trouverais que les plus grands ont parfois des comportements troublants.

Si j’avais huit, dix ou quinze ans, je sens que parfois je deviendrais violent.