Grandes gueules

Pot fumée sans feu

Imagier

«La prohibition est un raté formidable,
Mais nous l’adorons
Elle veut arrêter l’alcool mais n’y arrive pas,
Elle laisse un sillage de boue et de corruption
Elle emplit le pays de crimes et d’abominations
Mais on est tous pour.»
_ Chanson satirique pendant la prohibition de l’alcool aux États-Unis

La prohibition du cannabis fait une nouvelle victime. Le député de Saint-Hyacinthe, Yvan Loubier, a reçu des menaces de mort. La victime évoque le Far West. En lisant les vers ci-dessus, on constate que la victime se trompe de siècle. C’est aux rafales de mitraillette des hommes d’Al Capone qu’il faut penser. À la prohibition de l’alcool et à ses conséquences directes: la contrebande et la guerre des gangs pour le contrôle des territoires de distribution. Sans oublier la corruption à tous les niveaux du système.
Qui a menacé le député Loubier? Différentes hypothèses doivent être envisagées:
1) Les criminels organisés? Qu’auraient-ils à gagner d’une répression accrue?
2) Un ennemi politique voulant altérer la santé mentale du député? Suicidaire…
3) Un agent provocateur à la solde de la GRC? Vraisemblable.

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Pour toutes sortes de raisons (augmentation des budgets et des effectifs, pouvoir abusif des perquisitions permises par la loi des stupéfiants, etc.), la GRC travaille au maintien, sinon au renforcement des lois prohibitives. La GRC a justement réclamé des renforts et une augmentation de budget, il y a quelques semaines.

Un sondage rendu public début octobre révèle que 64 % des francophones croient que les drogues douces doivent être légalisées ou tolérées. Qui nous dit que la GRC n’a pas décidé, pour servir sa cause, de tenter un grand coup pour manipuler l’opinion publique? Ce ne serait pas la première fois que des membres de la GRC commettraient eux-mêmes – ou par l’entremise d’agents provocateurs – des actes illégaux pour renverser l’opinion publique et servir les intérêts de l’organisme. Rappelons-nous la période FLQ, où les bombes, les incendies criminels et les agents provocateurs faisaient partie de la panoplie courante des outils de travail de la GRC. Par la suite, ils ont aussi installé des poseurs de bombes à la permanence des syndicats et n’ont pas hésité à infiltrer le gouvernement du Québec.

Face à des menaces anonymes, toutes les hypothèses sont envisageables. Que la GRC mène l’enquête tout en étant le premier bénéficiaire du resserrement de la loi devrait au moins soulever quelques doutes sur l’impartialité de la conclusion alarmiste à laquelle aboutira inévitablement ladite enquête. Un gouvernement responsable ne doit pas céder à l’intimidation, ni agir contre la volonté populaire en renforçant la répression sur la seule foi de menaces anonymes, fussent-elles adressées à un député.

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La prohibition est un échec total. Personne ne meurt de l’usage de la marijuana, mais des dizaines de personnes sont mortes de la guerre engendrée directement par la prohibition. Les prohibitionnistes et les gouvernements qui leur cèdent sont d’une indéfendable hypocrisie. Les drogues entrent en prison, c’est-à-dire malgré les murs, les barreaux, les contrôles, les fouilles rectales et les gardes armés. Dans un tel contexte, le seul moyen d’assurer un approvisionnement régulier, c’est d’avoir recours à des passeurs assez haut placés pour être exemptés des contrôles, ou à des gardiens qui ferment les yeux. Si les autorités n’arrivent pas à empêcher la corruption du personnel dans une forteresse aussi restreinte et aussi bien gardée, imaginons ce qui se passe à la grandeur d’un pays!

Il n’y a qu’une solution: la légalisation. La majorité des citoyens est d’accord. L’usage récréatif de la marijuana n’est pas plus répréhensible que l’usage de l’alcool. C’est un choix moral, personnel, au-dessus de la compétence de l’État, dont le rôle doit se limiter à en contrôler la qualité et à en encadrer le commerce. Il faut du même coup permettre aux citoyens de cultiver le cannabis pour usage personnel, tout comme est permise la fabrication de la bière et du vin maison.

Assez d’études hypocrites, tout a été considéré en long, en large et en travers! Rapport après rapport, la conclusion est la même: il faut abolir la prohibition le plus tôt possible. Ses effets pervers sont plus dommageables que la substance elle-même.