Président sortant de Force Jeunesse, et ancien président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).
«L’éducation doit être une priorité au Québec», «Le Québec investira dans sa jeunesse» – voilà le type de déclarations creuses que vous pourrez probablement entendre lors du discours de clôture de Lucien Bouchard, jeudi prochain, à la fin du Sommet.
On y annoncera la création de multiples programmes visant les jeunes, afin de donner l’impression qu’on a adopté des propositions concrètes. Et pendant ce temps-là, on ne saura pas si le gouvernement serait prêt à remettre en question des baisses d’impôts pour investir en éducation.
C’est malheureusement ce qui risque d’arriver si les groupes de jeunes ne réussissent pas à remettre en question la priorité budgétaire de Bernard Landry. Si les surplus sont massivement alloués à des baisses d’impôts, le gouvernement réduira à néant sa capacité de réinvestissement en éducation. Même notre ministre «businessman» de l’Éducation en est conscient et s’est lancé dans une charge contre une baisse d’impôts en rappelant qu’il serait irresponsable vis-à-vis des générations montantes de réduire la contribution de citoyens qui ont bénéficié des largesses de l’État, alors qu’une énorme dette a été accumulée et que les charges de l’État reliées au vieillissement croissent sans arrêt.
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Pour que le gouvernement investisse en éducation malgré son endettement et le vieillissement de la population, la question fiscale doit être à l’ordre du jour du Sommet. Parce que la santé est un enjeu plus sensible que l’éducation, il faut faire en sorte que des sommes importantes soient disponibles dans la prochaine décennie pour que le gouvernement puisse financer l’augmentation des coûts de santé accompagnant inévitablement le viellissement de la population tout en investissant en éducation. Dans le cadre de la situation démographique actuelle, aucun réinvestissement en éducation n’est soutenable si le financement de la santé n’est ps planifié à long terme.
Si le Sommet n’aborde pas aussi largement le problème financier, la «priorité à l’éducation» ne sera qu’un voeu pieux.
Certains diront qu’il suffira de faire des choix éthiques du genre «ne pas soigner les plus de quatre-vingts ans» pour contenir les coûts. Ceux-là nous conduisent sur la mauvaise voie. Ces choix ne sont pas humains. Si notre État n’en a pas les moyens, c’est probablement la privatisation qui s’imposera. La société laissera à ceux qui en ont la capacité le droit de se faire soigner à leurs frais, tout en encourageant la mise sur pied d’une charité pour les autres…
Bref, le retour aux années cinquante.
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Heureusement, tout n’est pas perdu.
Il reste encore une bonne dizaine d’années de travail aux baby-boomers. On peut décider de leur faire épargner une partie des sommes nécessaires au financement de leurs futurs soins de santé. De la même façon qu’un revenu de retraite est capitalisé à même des épargnes, des sommes importantes pourraient ainsi être amassées pour faire face aux futurs coûts de santé.
Actuellement, 20 % du budget du gouvernement du Québec est gaspillé en paiement d’intérêts sur la dette. Nous devrions essayer de rendre ces sommes disponibles pour le financement des systèmes d’éducation et de santé…
Une des façons de dégager cette marge de manoeuvre d’ici la fin de la décennie est de commencer à rembourser la dette. Bien sûr, il faudra maintenir notre charge fiscale et contenir nos dépenses à court terme, mais c’est une contrainte inévitable pour assurer la survie de nos services publics.
S’ils veulent vraiment rendre service aux générations futures, les groupes progressistes doivent forcer une remise en question des baisses d’impôts, et pousser le gouvernement à utiliser les surplus pour financer la santé et l’éducation et également rembourser la dette. Il faut éviter de finir dans un «Sommet tarte aux pommes», qui se contente de distribuer des voeux pieux comme autant de desserts sucrés.
Refusr tout débat sur les questions fiscales, comme certains l’ont laissé entendre, est tout simplement irresponsable.