Combien ça prend de scandales pour faire tomber le gouvernement? Le tripotage de fonds dans la Culture, les Ressources humaines, l’ACDI, ça commence à faire beaucoup pour une seule année, non?
La bande à Chrétien prétend que les accusations sont strictement politiques. Ceux d’en face, que le parti au pouvoir est un ramassis d’escrocs.
L’injustice n’est pas là où on le croit. La vraie grosse injustice, c’est que tout le monde n’a pas accès à la fraude politique. Justice pour tous: rétablissons l’égalité dans le copinage. Donnons la chance à tous d’acheter son député ou son ministre!
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Pour entamer l’exercice, il faut connaître le système. Comment monter une arnaque avec des fonds publics? Quelle est la technique idéale pour utiliser les taxes à son profit? Comment tripoter des programmes d’investissement? Comment se servir du levier des fonds publics pour faire fortune?
Voici certains ingrédients de la recette.
Première étape: le repérage. Il faut connaître les donneurs de subventions qui ont la main leste. On les identifie facilement à la télé parce qu’ils ont l’air de mentir. Autre façon, celle-là éprouvée: trouvez une municipalité à la recherche de projets, et devenez mégalomane. Un ami de la municipalité vous mettra rapidement en contact avec ceux qui pratiquent le SMBISY (Scratch my back, I’ll scratch yours).
Des projets et pas d’argent? Les escrocs proches du gouvernement vont vous voir venir à dix kilomètres. Après, c’est la séduction. Comment on séduit un député douteux? En souscrivant à la caisse du parti. Ensuite, si le député est vraiment compréhensif, il saura vous indiquer la marche à suivre pour vous hisser au rang des vrais bons copains du système. Pas besoin d’être riche. Devenez adepte du leverage buyout socialisant.
Le leverage buyout, version classique, est cette pratique financière qui permet à une petite entreprise d’en avaler une grande en utilisant les actifs de l’entreprise qu’elle veut acheter. Le leverage buyout socialisan emploie les principes de la manoeuvre classique en l’appliquant au détournement de fonds. Il consiste à remettre un morceau de la subvention obtenue soit au député, en argent comptant, soit au parti, via les associations locales qui ne sont pas légalement tenues à la même transparence que les entités centrales. Échanges d’enveloppes. Ni vu ni connu.
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Seconde étape: le coït interrompu. Vous avez la subvention, le crédit d’impôt, l’exemption. Vous avez dorénavant un ami député. Vous développez vos relations dans les milieux politiques. Vous étendez votre influence. Vous participez à des dîners-bénéfice à mille dollars le couvert, et encore un peu plus sous le couvert. Et puis tout à coup, catastrophe, un hurluberlu, sorti d’on ne sait où – un Claude Robinson, un Yves Michaud, un André Vallerand – vient mettre son nez dans vos affaires. Les journalistes rappliquent. Le parti au pouvoir devient nerveux. Ceux de l’opposition s’en servent. Une enquête interne est commandée sous la pression publique.
Troisième étape: la réplique.
À ce moment critique, vous avez besoin de deux alliés essentiels. Un grand bureau d’avocats criminalistes pour intimider tout le monde. Et un grand cabinet de relations publiques pour rafraîchir votre image. Vous envoyez des mises en demeure aux grandes gueules pour les faire taire. Vous entamez le circuit essentiel de toutes les tribunes financières à la mode, rassuré par les discours rédigés par votre faiseur d’images, préférablement un ancien journaliste recyclé dans le politique, qui vous fait dire que vous créez de l’emploi et, donc, de la richesse.
Sachant que, dans la salle où vous donnerez vos discours, se trouvera une brochette importante de vos pairs, amis du système, qui «accueilleront favorablement vos propos» au sujet des «allégations» et des «fausses accusations» dont vous avez été victime, vous vous sentirez appuyé.
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Quatrième étape: l’enfoncement.
Malgré cela, si vous êtes certain de vous faie avoir, jouez la déclaration volontaire. La déclaration volontaire, c’est la faute avouée à moitié pardonnée. Comme à l’impôt.
Vous avez tripoté le fisc? Dites-le. Payez. Éliminez les victimes! Faites de même avec tous ceux qui risquent de vous poursuivre. Réglez vos litiges à l’amiable. Achetez des journalistes en choisissant les bons. Ou poursuivez-les s’ils révèlent l’opération. Faites des dons à des organismes de charité. Envoyez vos criminalistes faire des menaces aux policiers. Collez-vous sur des figures populaires à la réputation sans tache. Faites-vous donner des médailles.
Bref, utilisez les fonds si savamment détournés pour votre opération de sauvetage. N’en utilisez que le pourcentage nécessaire pour voir venir les coups. Pour rester riche.
Fraudeurs, mes amis, unissez-vous!