Lundi dernier, cher Luc Dionne, tu t’es présenté devant les journalistes à titre de président du comité des auteurs de la SACD, illustre société fondée par monsieur de Beaumarchais pour percevoir les droits d’auteur. Voulant rétablir la crédibilité de la Société, injustement flétrie, selon toi, dans la foulée de l’affaire Cinar, te voici dans les petits souliers de celui qui, il y a plus de deux cents ans, se fit connaître autant par l’éclat de ses positions publiques que par son talent d’auteur.
Tu remets les pendules à l’heure? Le bel horloger que voilà! Insolent! Je t’ai vu suer sang et eau sous le feu des questions des journalistes. Je t’ai vu rouler des yeux méchants comme un ministre dont on esquinte la crédibilité, dénoncer le comportement de ceux parmi tes pairs qui questionnent le manque de transparence de ton comportement, et j’ai versé quelques larmes sur l’effort de sincérité que tu sertissais sur ta conscience dans le déploiement de tes arguments.
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Le principal problème de monsieur de Beaumarchais ne résidait ni dans ses arguments ni dans son intelligence, mais dans sa vanité. Cette prétention l’a conduit de l’horlogerie à l’enseignement de la musique, aux affaires, puis à la Cour du roi, où il a décidé d’écrire.
Tu as une formation musicale. Tu as été conseiller politique avant de signer ton Ouvre. Et puis, te voilà un brin vaniteux, cela dit, en toute amitié. Il est triste, en effet, qu’un groupe d’auteurs ait publiquement dénoncé le fonctionnement de la Société. Vrai aussi que la justice est complexe et la GRC, discrète. Mais le problème n’est pas là, cher Luc. Il est dans cette attitude obscure que tu t’entêtes à défendre sur la place publique: tes membres sont des crétins qui ne méritent pas d’être informés.
Grande gueule, surtout devant le miroir du peuple, de Beaumarchais avait aussi le défaut de penser que tout se réduisait à un effet de style. Les journalistes t’ont demandé qui, de Cinar ou de la SACD, avait initié les pourparlers pour un rembousement des droits d’auteur? Tu n’as pas daigné répondre à cela. Pourquoi avoir omis d’informer les membres de la SACD dès le début de l’affaire pour leur présenter les faits et leur soumettre une démarche? Pas de réponse. Pourquoi ne pas avoir fourni à tes membres les procès-verbaux des assemblées de ton conseil où le sort de Cinar a dû se jouer, preuve inattaquable de rigueur administrative et d’intégrité? Vanité, triste vanité, qui nous envoie devant les caméras avec des trous dans nos bas.
Si tes conseillers avaient vraiment craint le douloureux étalage public d’une division entre auteurs, comme tu te plais à le dire – digression dont on questionnera l’habileté -, ils t’auraient rappelé une chose toute simple: en consultant ses membres, on évite qu’ils apprennent les mauvaises nouvelles par les journaux. On évite aussi qu’ils s’insurgent à leur tour dans les médias, auquel cas on n’a pas à jouer les vierges offensées devant le retour de vague.
La ligne droite reste le plus sûr chemin entre deux points quand on veut vraiment partager la vérité. Toi et les stratèges de la SACD n’êtes ni malhonnêtes ni des crapules, vous êtes lents à transmettre l’information… Et c’est ce qui donne mauvaise mine à tes scrupules.
Le silence peut être une loi. Veux-tu en faire une norme? Tu te bats pour les droits des auteurs? C’est ta réponse? Eh bien, alors, parle aux auteurs! Écoute les auteurs! Cherche des solutions avec eux. Ne te comporte pas comme les affairistes qui te mordillent l’oreille. Fais passer les doléances des auteurs avant la procédure, avant les détails administratifs et avant l’éloge des apparences. Et surtout, pour ton image, arrête de prétendre que tes objecteurs sont des crétins qui ne comprennent rien. Ton intelligence supérieure se malmène dans la marge d’un tel mépris.
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de Beaumarchais a été agent du roi, pour ensuite croupir en prison, trahi par les aristocrates qu’il avait successivement courtisés puis attaqués. S’il était vivant, il aurait comme consultant un fiseur d’image pour camoufler ses ratages. Comme celui dont tu as toi-même retenu les services, encore une fois sans consulter tes membres.
À ta conférence de presse, le monsieur consultant était tout fier de m’annoncer qu’il avait «rééquilibré» l’orientation de l’opinion publique. Pourquoi? Dans quelle guerre sommes-nous tombés sinon dans celle qui nous unit contre le mensonge? Ah! Ces faiseurs d’image! Ils sont un peu vaniteux, eux aussi. Qui va payer leur paradoxale note d’honoraires? Les droits d’auteur des membres en colère?