Il faut admirer leur foi, leur révérence et leur piété. Quand les délégués du PQ assistent à la messe, ils suivent leur Prions en Église comme des ouailles modèles. Voilà un parti qui fut déjà vivant, bigarré, intéressant, audacieux, un vrai parti, avec des idées et des débats, qui s’est transformé en oratoire. Le lieu de toutes les génuflexions. Mais il faut admettre qu’ils se sacrifient pour le Paradis.
Cela mérite respect… si on croit au Paradis.
Ils se mirent à genoux une première fois, fervents indépendantistes qu’ils sont tous quand, effrayés par la crainte de perdre un référendum sur la création d’un pays, ils acceptèrent en juin 1995 de proposer une sorte de macramé qui nous donnerait deux pays, deux citoyennetés pour le même prix. Puis les stratèges jouèrent Bouchard qui parlait de partenariat, plutôt que Parizeau qui entretenait une fâcheuse tendance à la franchise. Les rigides militants, ceux qu’on délègue au Grand Congrès du PQ, ne dirent mot. Le Paradis était peut-être à leur portée. Ils s’agenouillèrent et prièrent.
Puis une deuxième fois, ils se prosternèrent pour l’élection de leur nouveau pontife. Pas un seul de ses ardents militants ne lui demanda s’il avait déjà lu le programme de leur Église, s’il en connaissait les canons et les commandements, les traditions ou la philosophie. Un messie ne se présente pas tous les jours pour redonner vie à une doctrine faiblissante et à un Paradis de plus en plus mythique. Accueillons le nouveau messie sans mot dire, car il faut tout sacrifier, même nos âmes, pour atteindre le seul objectif: l’indépendance.
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Je ne croyais pas que le besoin du ciel était aussi absolu. Ces hommes et ces femmes qui se sont réunis durant la fin de semaine dernière constituent l’élite militante et pensante du PQ. Les délégués sont les gardiens du dogme en même temps que ceux qui montrent la voie vers l’avenir. Le PQ, à juste titre, a longtemps été fier de sa verve démocratique, de son aile pure et dure qui ruait dans le brancards, de ses militants convaincus et exigeants qui demandaient des comptes aux ministres et parfois leur faisaient la leçon. La vie n’était pas toujours facile, mais bordel! c’était au moins la vie. Aujourd’hui, c’est la mort, le silence et la dernière génuflexion. Le parti est transformé en tapis rouge que le pontife, suivi de ses diacres obséquieux, foule sans vergogne.
La confiance, premièrement. Un compromis obligatoire pour accroître les chances d’accumuler les conditions gagnantes, pour montrer un visage unanimement uni. Peu importe la méfiance qui règne toujours, il fallait un énorme vote de confiance. La machine ministérielle s’y est mise, pesant de tous ses moyens sur les associations de comté. Et puis, il faut bien faire des sacrifices pour gagner son ciel.
Quels autres sacrifices, flagellations ou renoncements seraient encore nécessaires pour atteindre le but sacré? Trahir l’âme du parti? Jamais ces militants de la première heure descendraient aussi bas! Quelques jeunes, des idiots sûrement, voulurent vérifier s’ils étaient toujours à la bonne adresse. Ils demandèrent bien naïvement de réaffirmer que l’âme péquiste était souverainiste, mais aussi social-démocrate. On les traita comme des hérétiques, des sorciers et des païens.
Ils auraient bien dû s’en douter, ces brebis naïves, que la bergerie ne voulait pas de cette appellation qui pourrait créer des vagues lors d’un prochain référendum. Peu importe que la très grande majorité des délégués croient encore que la social-démocratie est une bonne chose: ils obéirent, la tête pieusement baissée, au diktats de la machine.
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À tort ou à raison, le congrès du Parti québécois a fermement discuté du trait d’union entre la souveraineté et l’association (ou son fils bâtard, le partenariat). Cette fois, pas un mot – peut-être deux, mais pas assez pour constituer une phrase. Vous me direz que les gens évoluent, je vous répondrai qu’ils vieillissent et qu’ils ne pensent qu’à la prochaine élection.
Laquestion de la langue a déjà attisé les meilleurs débats. Encore une fois, ces délégués, qui généralement adoptent des positions plus radicales que les gouvernements péquistes, se sont prosternés, toujours nourris par le désir de reposer un jour dans le ciel de la souveraineté. Comme le veut Lucien Bouchard, il y aura donc des États généraux ouverts à tous. Paradoxe merveilleux et sublimement ironique: le seul participant qui n’aura pas de position sur la loi sur l’affichage ou l’accès aux cégeps anglophones sera le Parti québécois! Plus idiot, tu meurs. Et le scrutin proportionnel? Et la pauvreté? Non, mais tu veux rire!
Un grand parti s’est suicidé, pour mieux servir son Dieu. C’est triste et dangereux. On dirait qu’ils veulent nous faire l’indépendance et le Paradis, en silence, sans débats, durant la nuit, une panne d’électricité ou une crise du verglas. Sur la pointe des pieds, par la porte d’en arrière, comme des voleurs muets… mais pieux. Méfiez-vous des saints qui ne parlent pas et qui ne font que des génuflexions. Ce sont des statues.