Grandes gueules

La maladie du Sommet

Il y a deux semaines, les autorités policières impliquées dans la sécurité du Sommet des Amériques présentaient, conjointement avec quelques-uns de nos ministres nationalistes, les mesures adoptées pour protéger les légumes hypertendus qui rempliront les hôtels de Québec, en avril 2001.

La police, c’est sérieux.

Pas une voix discordante n’est venue depuis exprimer quelque dissonance avec le coeur enthousiaste des amis de la Chambre de commerce. Pas un seul élu local ou provincial à 100 kilomètres à la ronde qui oserait contester des mesures qui brimeront les droits et libertés de milliers de citoyens auxquels on n’a pas demandé leur avis et qui seront pour la plupart d’honnêtes travailleurs coincés au centre-ville plutôt que des agitateurs.

Bien au contraire.

Notre gouvernement pseudo-social-démocrate, lorsqu’il ne prend pas son trou devant les forces de l’ordre, souscrit probablement aux assertions délirantes de Jacques Parizeau et des opportunistes qui ont subitement découvert en 1998 qu’un Québec indépendant profiterait de la mondialisation des marchés.

Look moderne, antifacho, ouverture sur le monde et les États-Unis. Une bouteille à l’amer…

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Comment résister au plaisir de serrer les mains souillées des grands de ce monde? De balader George Bush dans les pittoresques rues (désertes) de la capitale et d’accrocher bien haut le flag du Québec dans les chiottes du Centre des congrès, entre deux pubs de bière Canadian?

"Quebec, my dear, a so nice city, very frenchy, you know, au coeur, in the heart, pittoresque de l’english Amérique…"

Sortez l’argenterie, domestiques du capital mondial! On s’excite sans raison au village pour recevoir la grosse visite. On met les petits plats dans les grands lorsque le pourboire du plus fort fait loi.

Quelques abrutis, comptables de profession, estiment qu’au même titre que le Carnaval et le Festival d’été, le Sommet des Amériques engendrera de merveilleuses retombées pour la région de Québec: visibilité touristique, crédibilité internationale… On a même recruté quelques économistes de l’Université Laval afin de nous démontrer par a+b pourquoi le Sommet, sur le plan économique, est une meilleure affaire que les Jeux olympiques!

e voudrais bien savoir qui, de par ce vaste monde, a pu choisir de passer ses vacances à Seattle après ce que les médias ont montré des émeutes de l’an dernier.

Pas convaincu que les lacrymogènes et les arrestations appréhendés donneront à beaucoup de touristes japonais l’envie de passer un charmant week-end au château Frontenac l’été prochain.

Sommet des Amériques: cadeau empoisonné…

À moins qu’il y en ait d’autres dans la salle qui pensent encore que cet événement se déroulera dans le calme…

Ce qui, semble-t-il, n’est pas de l’avis des autorités elles-mêmes qui vident une prison pour caser de potentiels manifestants. Six cents places réservées d’avance… Une provocation pure et simple pour tous les opposants au Sommet.

Pourquoi pas le Colisée Pepsi, un stade comme au temps de Pinochet? L’ancien IKÉA passablement vide aussi ferait un excellent parking à étudiants le temps d’une couple de claques sur la gueule.

Les forces de l’ordre ont décrété un périmètre de sécurité regroupant les rues Grande Allée et René-Lévesque, mais aussi d’Aiguillon et Richelieu. Lieu de retraite en cas d’assaut des forces communistes, stalinistes et trotskistes. On se prépare pour l’attaque du Bloc pot, de Greenpeace, de la Fédération des femmes du Québec, des Chevaliers de Colomb, du club de bridge et des amateurs de bingo…

Depuis la victoire du capital triomphant, il faut bien que nos services de renseignement et de sécurité justifient leurs dépenses en traquant l’étudiant qui conteste tranquillement le FMI en mangeant du tofu bio.

"Ma blonde habite le Vieux, je réside dans Saint-Jean-Baptiste, autant faire le deuil de mes nuits…", direz-vous. Après tout, deux nuits, trois nuits, c’est pas grave…

Ben oui, c’est grave!

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Le 22 avril de l’an 2001, j’aurai 40 ans pile. Sans farce…

Et si jamais d’aventure, après quelques verres, j’avais envie de recevoir des amis et de marcher, à deux heures du matin, parmi les beautés de la ville qui m’a vu naître? Qu’arrivera-t-il?

Mon pays idéal n’a pas le dixième du respect que j’ai pour lui. Il viole sans vergogne, ne serait-ce que pendant 48 heures, les plus fondamentales des libertés civiles… Qui, comme chacun le sait, n’existent que dans vos rêves, par temps calme.

Pour le reste, dès que ça merde un peu, que ça gueule un peu trop fort, rien de mieux chez les amis de la matraque que d’organiser une petite partie de rentre-dedans. Au cas où.

Une prison de six cents places…

On va avoir l’air très con…