Le "tourisme politique" est en vogue au Québec comme dans moult pays en Occident. Cette activité pratiquée par de nombreux citoyens consiste à se désintéresser des débats publics qui ont cours dans leur société. Le citoyen se réfugie dans sa sphère privée où la recherche de confort et de distraction joue le rôle de leitmotiv. Le touriste politique aime ou n’aime pas ce qu’on lui offre comme divertissement. Il critique la culture et les façons de faire de sa société hôte. C’est un spectateur plus ou moins attentif selon les questions débattues et les conséquences possibles sur son quotidien.
Ce que je déplore, c’est le trop grand nombre de touristes politiques dans notre société et, plus précisément, chez les jeunes adultes. Je ne cible pas ceux qui sont exclus par les difficultés considérables qu’ils vivent, et qui tentent tant bien que mal de survivre. Non, je dirige mes reproches et mes frustrations à la classe des jeunes privilégiés dont je fais partie.
Cette classe est composée d’individus qui ont obtenu un niveau appréciable de scolarité et/ou une situation professionnelle stable. Leurs conditions économiques se sont améliorées avec le temps. L’intérêt personnel est malheureusement souvent la source de motivation première pour ces jeunes. Ils font des efforts afin d’améliorer leur qualité de vie. Ce que ces jeunes vacanciers oublient cependant, c’est qu’ils vivent dans une communauté et que celle-ci aura une influence substantielle sur leur qualité de vie.
C’est un fait, et on ne peut se défiler sans en subir les conséquences. L’investissement en éducation, le soutien aux jeunes familles, les mesures pour lutter contre la pauvreté, etc. sont des choix collectifs et non privés; mais encore faut-il que des citoyens soient là pour les exiger des gouvernements.
De plus, il y a un réel danger pour que l’évolution démographique tende à favoriser les intérêts des populations plus âgées au détriment des besoins des générations futures. Au Québec, l’âge moyen de l’électeur était de 41 ans en 1971, de 45 en 1996, et il sera d’environ 54 ans en 2041. Est-ce que ces électeurs plus âgés décideront de privilégier le financement des soins de santé et les baisses d’impôt au détriment des responsabilités gouvernementales dans les domaines de l’éducation, de l’environnement et du développement économique?
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Le cynisme et le désintérêt ne sont pas des avenues utiles pour changer le cours des choses. Chialer n’est pas non plus une option très emballante. La lutte aux inégalités ne se réglera pas devant notre téléviseur ou chez Wal-Mart. Le mot consommateur n’est pas synonyme de citoyen.
ll est temps que nous nous attardions comme génération à nos responsabilités collectives. La morosité ambiante n’est pas une raison de laisser tomber. Il faut se rappeler que la jeunesse a été et continue d’être dans bien des sociétés une force importante de changement. Au minimum, on doit faire l’effort de s’informer et de voter.
La conséquence du fait de rester chez soi politiquement est tragique. Les groupes de pression s’octroient la légitimité de faire la pluie et le beau temps sur une multitude de questions d’intérêt public. C’est la loi des plus forts qui prime, et les jeunes, malgré leurs efforts, ne peuvent rivaliser. Le pouvoir politique, acquis par la voie démocratique, est le seul qui puisse légitimement contrecarrer le pouvoir excessif des groupes de pression. Ce pouvoir politique prend sa force dans la participation des citoyens.
Au-delà des événements et des questions débattues au Sommet des Amériques, l’engagement politique des jeunes sur les plans local et national ne doit pas être oublié. Le pouvoir des citoyens sur les enjeux internationaux, tant souhaité par de nombreux jeunes, deviendra réalité seulement lorsque l’on déléguera aux élus de nos parlements la responsabilité de formuler un cadre démocratique et transparent pour traiter des effets de la mondialisation. Se désintéresser de la politique ne sert qu’à affaiblir notre pouvoir en tant que citoyen d’influencer le cours des choses à l’échelle internationale.
Les absents ont toujours tort en politique, peu importe leur âge!