Grandes gueules

Raves: un zoo, la nuit

Mon nom est Louis Veillette. Synergie, le projet que je dirige, oeuvre dans les raves à Montréal depuis une dizaine d’années.

Je vous écris présentement de Marseille, où j’effectue une résidence d’artiste, grâce à une bourse du Conseil des Arts du Canada. Je suis donc aussi familier avec l’amendement Mariani, qui provoque tout un tollé chez les promoteurs et ravers locaux.

Pour être franc, j’ai une opinion un peu différente de la moyenne des gens par rapport à ce que vous appelez "la guerre contre les raves". J’aimerais moi aussi crier haut et fort à l’injustice anti-rave. Or, la réalité est que les policiers ont probablement été témoins des mêmes excès que bien d’autres et qu’ils utilisent maintenant les prétextes qu’ils peuvent pour donner un coup de semonce à tous ceux qui ne les prennent pas au sérieux.

Je crois que, encore une fois, la police est simplement à court de moyens pour ramener l’ordre dans ce qui est devenu un véritable cirque.

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Il arrive que 15 000 ravers en sueur se retrouvent dans une salle prévue pour 7000. On a tous pu constater qu’à certains moments de la nuit, il n’y avait plus d’eau froide dans les toilettes. Sans parler de tous ceux qui ont payé une petite fortune pour acheter des billets à l’avance et qui ont dû malgré tout attendre en file pendant des heures!

On a tous entendu parler de D.J. qui se plaignent d’être annoncés sur des flyers avant d’avoir signé un contrat… et parfois, avant même d’avoir reçu un appel de la part du promoteur!

Au Canada comme en Europe, les raves sont victimes de leur popularité. Résultat: on assiste à une recrudescence d’événements mal orchestrés. Souvent, les responsables des raves ne prennent même pas la peine d’engager un directeur artistique et/ou technique digne de ce nom; ils ne connaissent pas les normes de sécurité élémentaires, et ne respectent pas les endroits qu’ils investissent.

On ne parle pas ici d’événements organisés par des professionnels dans des lieux sécuritaires et avec un nombre bien contrôlé de participants, mais d’événements préparés à l’arraché, dans l’improvisation la plus totale et dans des lieux mal connus.

Pourtant, il est facile d’apprendre les normes de sécurité! Il suffit de se renseigner…

Tant que ces normes ne seront pas respectées, nous ne sommes pas en droit de nous attendre à la clémence policière (dont le rôle, rappelons-le, est d’abord d’assurer la sécurité des individus, avant leur droit à l’expression).

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La techno est une culture qui se fait entendre partout, même en Iran. Les raves existent depuis plus d’une dizaine d’années à Montréal. Ils n’ont cessé d’être en croissance et représentent maintenant une activité économique substantielle pour la ville. Le festival Black & Blue est devenu le troisième plus gros événement touristique à Montréal, derrière le Festival de Jazz et le Grand Prix!

Cela dit, si je suis sévère à l’égard des promoteurs, j’ai aussi été témoin de la bonne foi de la plupart d’entre eux, et de leur découragement devant les procédures à suivre pour organiser ce qui est avant tout une simple fête.

Pourquoi ne pas mettre sur pied un Bureau des événements de musique électronique, sur le modèle du Bureau du cinéma et de la télévision déjà existant à la CUM? Ce comité pourrait être composé de spécialistes pluridisciplinaires et impartiaux, spécialisés dans les contraintes de ce type d’événements, et chargés de guider les promoteurs dans les méandres des différentes législations, en plus d’agir comme interface avec les différents services municipaux tels que la police et le service de prévention des incendies. Tous en bénéficieraient!

L’action de ce bureau devrait être "intégrante" plutôt que répressive.

Si un tel bureau existait, j’aimerais être le premier à y poser ma candidature…