Grandes gueules

Qui a peur de Bernard Landry?

Lorsque Bernard Landry accéda, il y a 100 jours, à la fonction suprême, ses coups de gueule, son humour grinçant et une bonne dose de franchise firent entrevoir un retour en grâce de la souveraineté au grand soulagement des nationalistes durs, échaudés par l’affaire Michaud et perplexes devant l’immobilisme de Lucien Bouchard.

Alléluia! crièrent les ayatollahs du parti. Landry allait combattre à coups de propagande la sclérose de la chose politique sur une population vieillissante désabusée et une jeunesse massivement désintéressée.

Il allait défendre au delà des manoeuvres politiques, et même peut-être au delà de l’espérance de vie du présent gouvernement, l’option sacrée de la nation québécoise.

Semblable à celui qui suivit l’arrivée de Jacques Parizeau à la tête du Parti québécois, un petit vent de panique souffla brièvement sur Ottawa, parce que même si les Québécois disaient encore non… il suffit d’une idole, de quelques insultes de Stéphane Dion et d’un peu d’acharnement pour que le vent tourne.

Pourtant, inutile d’alerter la section Québec de la GRC, d’envoyer au Québec la cinquième colonne dirigée par le sénateur Jean Lapointe, de ressortir le plan B, d’invoquer la loi sur la clarté ou de consulter Jojo Savard pour contrer ces moments de vigoureux patriotisme.

En 100 jours, monsieur Landry est revenu à la réalité, à reculons, tout seul par le chemin des écoliers.

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Triste réalité. Réalité dictée aussi par des odeurs de défaite. Qui fait fuir le spectre d’élections automnales perdues d’avance.

Des élections bien sobres où il ne sera guère question d’indépendance puisque, comme le premier ministre le répète sur toutes les tribunes, pas de référendum s’il y a risque de le perdre. Pas de référendum à moins qu’on ne soit assuré de disposer de conditions gagnantes qui sont désormais aussi faciles à réunir que les quatre Beatles sur un air déjà entendu.

Question: Pendant que les faiseurs d’image de monsieur Landry débattent à haute voix de la différence entre conviction et arrogance. Pendant que l’on discute de la pertinence de ce vocabulaire futuriste qui, faisant fi de la stricte réalité, s’invente depuis 10 ans et des capitales nationales et des ministres d’État disposant sur les affaires du continent de pouvoirs et d’influence moins étendus que ceux de la soeur du secrétaire du sénateur du Matachaussette, qu’ont donc gagné en 10 jours les tenants de l’indépendance? Rien. Qu’ont-ils perdu? Leurs dernières illusions et, pire peut-être, le pouvoir à court terme.

Sclérose aussi chez les nationalistes installés dans la capitale fédérale alors que le Bloc québécois, condamné à faire du sur-place ad nauseam, sent le besoin de justifier sa présence à Ottawa quatre jours après l’augmentation du salaire des députés. Un anniversaire qui, sur le plan de l’image, ne peut tomber plus mal et qui pourrait passer pour un acte manqué.

Samedi dernier, commentant un sondage défavorable, Louise Beaudoin et Linda Goupil s’enfoncèrent dans des considérations presque méprisantes pour expliquer l’exceptionnelle impopularité de Bernard Landry auprès des Québécoises. C’est parce que les femmes n’aiment pas la chicane, expliquèrent-elle en substance… Quelle idiotie! Quel commentaire rétrograde. Pour un peu, le PQ aurait retrouvé les Yvettes de madame Payette. Mais c’est qu’il faut maintenant faire flèche de tout bois…

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Car cap’taine Landry aura beau semer la tempête, déchirer sa chemise sur les compétences fédérales-provinciales, la main-d’oeuvre ou, que sais-je, se rebaptiser Parti québécoise, et faire rêver son électorat féminin à des référendums sans chicane, le petit navire national n’avance simplement pas.

Et celui qui, il y a quelques semaines encore, jouait les matadors avec le drapeau canadien, s’est maintenant donné un agenda politique élastique à souhait.

Élastique comme ces rustines que l’on applique à la dernière minute sur les crevaisons. Comme l’on s’applique des politiques sociales démocrates pour éviter les débordements du RAP à la gauche. Comme l’on distille des paroles réconfortantes à nos fellow Canadians.

Alors, qui a peur de Bernard Landry? Peut-être une vieille anglaise de Westmount oubliée par un camion de la Brink’s en 76.