Il y a deux semaines, nous avons publié un texte sur la Guilde des musiciens et sa volonté d’imposer sa réglementation de rémunération des musiciens aux petites salles de spectacle (Café Chaos, Zest, Café Sarajevo, Le Sergent Recruteur, L’X, etc.). Pour contrer cette offensive qui pourrait entraîner leur fermeture, ces dernières ont décidé de créer une association, L’APLACE, qui est appuyée par beaucoup de musiciens de la relève comptant sur ces lieux de diffusion pour se produire sur scène. Voici l’opinion d’un membre du groupe montréalais Les Séquelles sur cette affaire.
Dans une lettre ouverte parue il y a quelque temps, M. Émile Subirana, président de la Guilde des musiciens, déplorait que certains musiciens de la relève se rallient aux côtés de certains diffuseurs dans le débat qui s’amorçait. Il les accusait même d’être effrayés par les propriétaires de bars.
Ce que certains membres du conseil de la Guilde semblent ignorer, c’est que les musiciens de la relève font cause commune avec certains diffuseurs (statut que la Guilde refuse toujours de reconnaître, semble-t-il), car ils proviennent du même milieu. Les bureaucrates de la Guilde affrontent une coalition inattendue alors qu’ils s’attendraient à rallier les musiciens autour d’eux en leur promettant les tarifs de base que leur syndicat prescrit habituellement à chaque prestation. Plusieurs diffuseurs participent activement à la scène locale en faisant justement partie de formations musicales émergentes.
La Guilde, pour sa part, a davantage l’habitude de négocier avec les organisateurs de méga-événements qui sont largement financés par des programmes gouvernementaux et des commanditaires. Elle ne peut pas jouer le même jeu de négociation avec les musiciens de la relève qui ne sont pas nécessairement respectés par les organisateurs de ces grandes productions. La Guilde ne fait malheureusement aucune distinction entre les petits diffuseurs prenant part activement à l’émergence de la scène locale et les gros producteurs agissant dans le milieu de la musique commerciale.
Elle fait effectivement preuve d’une fermeté cautionnant le système d’exploitation qu’elle prétend combattre. En forçant ainsi les petits propriétaires à se faire une raison et à plier bagage s’ils ne se conforment pas aux règles les plus strictes, elle laisse le champ libre aux gros producteurs possédant le capital nécessaire à la présentation de spectacles à grand déploiement. En cela même, la Guilde agit en véritable organisation réactionnaire. Où voulez-vous que les jeunes formations ou les jeunes interprètes trouvent leur place dans un tel marché? La Guilde tue dans l’oeuf toute tentative de structurer la relève qui, par son statut émergent, ne peut se doter d’appui institutionnalisé par le marché et la reconnaissance médiatique. Pis encore, les diffuseurs potentiels de la scène émergente se font haranguer par un syndicat devenu lui-même surinstitutionnalisé.
La Guilde a-t-elle tant à coeur la vivacité de la scène émergente? St tel était le cas, elle se doterait d’une véritable politique pour changer en profondeur tout le système de diffusion qui ne privilégie que les musiciens déjà "établis". Au contraire, elle persiste à s’en prendre aux diffuseurs les plus vulnérables. D’où son intérêt corporatiste.
La crédibilité des musiciens envers le grand public est directement proportionnelle à la fréquence de leur diffusion. En décourageant (voire en empêchant) les artistes de la relève à faire affaire avec des petits diffuseurs indépendants, c’est tout un pan de la culture qui se meurt. La Guilde ne s’assure pas de nouvelles cotisations en agissant de la sorte.