Cette rentrée est marquée par un courant dominant qu’ont soulevé plusieurs médias au Québec: le discours des hommes, l’expression de leurs idées sur la condition masculine. Qu’il s’agisse de la nouvelle émission Testostérone (à TQS), des Francs-Tireurs, qui reviennent cette année (à T-Q), ou de la publication de nombreux livres où les hommes revendiquent leurs droits, l’heure est aux questions sur la masculinité.
Il faut se réjouir de cette tendance: les femmes n’ont-elles pas voulu que les hommes s’expriment? Maintenant qu’ils le font, on ne va pas leur reprocher!
Mais ce qui me désole, ce sont les blâmes qui pointent derrière certaines revendications; par exemple, celui de la meilleure avocate des hommes, Denise Bombardier, selon laquelle les femmes se réjouiraient de la soi-disant infériorité des hommes, dont les échecs scolaires seraient la faute… des femmes. "Dès la maternelle, les garçons sont plongés dans un univers quasi exclusivement féminin et cela se poursuit d’ailleurs au primaire. Les maîtresses, consciemment ou pas, les souhaitent souvent sages comme des filles, attentifs comme des filles, appliqués comme des filles. " (Le Devoir du 7 septembre) Deux choses me hérissent: être sage, attentif et appliqué serait l’apanage des filles??? Voilà un préjugé bien négatif à l’égard des garçons. Et de plus, où sont les hommes dans les milieux scolaires? Pourquoi ne veulent-ils pas s’impliquer (désolée pour ceux qui le font déjà…)?
Tout cela est consternant. On ne fait que rejouer cette partie de ping-pong qui n’en finit plus depuis 30 ans. C’est la faute des hommes, puis celle des femmes, etc. Oui, les filles réussissent mieux qu’avant à l’école, et les femmes prennent de plus en plus de place dans la société. Ne faut-il pas s’en réjouir? Je ne pense pas que cela soit fait " aux dépens " des hommes.
Les femmes ont évolué, parce qu’elles défendent des valeurs d’égalité, de droit au travail, et ont compris l’importance de l’éducation: elle est fondamentale pour l’acquisition de leur autonomie et leur indépendance financière.
Mais les hommes, que disent-ils à leurs garçons? Leur transmettent-ils que l’éducation est INCONTOURNABLE? Leurs donnent-ils envie d’étudier, de réussir, pas pour écraser les autres mais pour s’épanouir et se réaliser? Quand on voit des slogans comme "On descend tous d’une gang de colons" pour annoncer une émission de télé sur la généalogie, ou encore "Ma meilleure matière, c’est la récré" (!), je me demande sincèrement si l’on propose autre chose que de l’humour stupide et insignifiant aux jeunes hommes. Une bonne joke, une bonne bière, pis du cash, voilà le programme qu’on leur réserve. J’exagère à peine.
Que les hommes se posent la question: comment se définissent-ils aujourd’hui? Quelles valeurs soutiennent-ils? Pendant des années, ils ont défendu des principes humanistes comme le droit à l’éducation, à l’égalité des chances, et si l’on recule encore, la lutte contre l’esclavage, contre la peine de mort; bref, ils ont oeuvré à édifier une démocratie. Ce sont des valeurs qui ont d’ailleurs fait le lit du féminisme. Sans ces idées progressistes, les femmes n’auraient pu revendiquer leurs droits: le droit de vote a d’abord été gagné par les hommes avant de l’être par les femmes.
Les seules choses que l’on défend actuellement (hommes et femmes), ce sont des valeurs de consommation et d’hédonisme béat: le droit de faire de l’argent, de posséder toujours plus, de se faire plaisir. Mais n’y a-t-il pas d’autres principes qui fondent la condition humaine?
Pas étonnant que certains hommes jalousent les femmes. Notre vie est passionnante car il nous reste encore des conquêtes: ne leur en déplaise, nous ne sommes pas encore présentes dans toutes les sphères de la société.
Encore lundi dernier (La Presse du 16 septembre): un prof de philo du Cégep Lionel-Groulx déplorait le peu d’écoute de notre société à l’égard des problèmes scolaires des garçons – ce en quoi il a tort, on ne parle que de cela. Ses "pistes de réflexion", dans lesquelles il interroge la place de l’ordinateur en classe, la prégnance de la télé, ne sont pas inintéressantes, au contraire. Malheureusement, il agit comme tant d’autres et déplore la "valorisation des comportements féminins". Étonnant: qu’il aille dans les milieux de travail traditionnel (il y en a tout plein) et il verra que c’est plutôt le contraire… Si les filles emplissent les écoles, elles ne sont pas aussi nombreuses dans les conseils d’administration, dans les banques, dans les partis politiques, dans les grandes entreprises.
Tant mieux si les hommes sont en réflexion. Il était temps.