Grandes gueules

Pourquoi pas le NPD ?

"Le NPD? À quoi tu penses? Un parti fédéraliste, anglophone, sans racines au Québec? Tu es tombé sur la tête?"

Peut-être. Mais peut-être pas. Réfléchissons un peu. Nous sommes des esprits progressistes, adversaires de la mondialisation ultralibérale, sociaux-démocrates attachés aux acquis des secteurs public et parapublic en matière de santé, d’éducation, de protection sociale, etc. Sans toujours l’avouer, nous sommes las des blocages résultant d’un nationalisme systématique. Inutile d’ajouter que nous croyons à la nécessité d’un engagement politique.

Dans quel contexte nous trouvons-nous? Des élections provinciales sont inévitables d’ici six à neuf mois et il est trop tard pour y changer quelque chose. Le PQ, discrédité par l’ambiguïté de son "option" et ses stratégies référendaires incohérentes, est usé par le pouvoir, vidé de sa crédibilité. Le PLQ n’aurait peut-être pas que de mauvaises politiques, mais sa tradition d’affairisme et la personnalité de son chef n’ont rien d’attirant (malheureusement, tous les candidats libéraux ne peuvent pas être des Nathalie Rochefort). Le programme de Mario Dumont, carrément réactionnaire, nous rebute absolument. L’UFP (Union des forces progressistes) pourrait paraître un meilleur choix, mais elle reste quasi inconnue et se présente comme à la fois socialiste radicale et souverainiste pure et dure, nous ramenant 30 ans en arrière en matière de langue de bois.

Au niveau fédéral par contre, il ne devrait pas y avoir de scrutin avant deux ans environ. Oublions les conservateurs et l’Alliance. Rien n’indique non plus que les libéraux se convertiront à l’anti-impérialisme sous la houlette d’un Paul Martin. Quant au Bloc, simple appendice du PQ, il est miné par les mêmes faiblesses, auxquelles s’ajoutent l’illogisme de sa présence à Ottawa et les contradictions de ses prises de position.

Resterait… le Nouveau parti démocratique: progressiste, socialisant, soucieux de justice et d’égalité, ouvert aux sensibilités écologistes, tiers-mondistes, féministes, syndicales, mais plutôt réformiste et modéré (vous n’allez pas me raconter sérieusement que vous vous considérez comme politiquement révolutionnaire, j’espère). Il reconnaît le droit de la nation québécoise à l’autodétermination et propose une formule constitutionnelle asymétrique et coopérative. C’est un parti national bien organisé, qui va se doter d’un nouveau chef. Il ne lui manque plus que de réussir une percée au Québec. Où est l’obstacle à l’appuyer?

Vous me direz que c’est un parti traditionnellement anglophone et peu enraciné chez nous. Admettons. Il n’en tient qu’à nous que ça change: si quelques milliers de syndiqués, salariés, étudiants, féministes, militants antimondialisation, intellectuels et gens de gauche joignaient ses rangs, ça changerait demain matin.

Quand même, objecterez-vous, le NPD n’est-il pas un parti fédéraliste? Ah, nous y voilà! Et si, au lieu de répondre à cette question ("Eh oui, le NPD est un parti fédéraliste"), vous la regardiez en face, si vous écoutiez d’une oreille critique sa petite musique idéologique? Vous risqueriez de réaliser ceci: appuyer le NPD serait une excellente occasion de sortir de l’impasse fédéralisme/souverainisme. D’ailleurs, le PQ n’est-il pas fédéraliste depuis longtemps avec l’"association", le "partenariat" et l’"union confédérale"? N’est-il pas temps de dépasser cette alternative hypocrite et d’affirmer une présence nouvelle du peuple québécois dans l’arène politique de ce qui est et restera, du moins dans un avenir prévisible, notre pays? Car nous sommes un peuple différent, original et dynamique qui, sans trop se l’avouer encore, aurait justement le plus grand besoin de se tailler une place inédite et constructive dans la vie politique du Canada dont, bon an, mal an, nous sommes citoyens à part entière.

Ne savons-nous pas tous qu’être vraiment de gauche ne consiste pas juste à parler fort avec nos ami(e)s dans une brasserie du Plateau Mont-Royal, à défiler une fois ou deux par an dans une manifestation ou à lire Alternatives et Le Monde diplomatique? Si nous prétendons croire aux vertus d’une démocratisation aussi large, étendue, approfondie et réelle que possible, allons-nous continuer à jouer les anarcho-communistes de salon et à râler contre les politiciens, les partis, les élections, les députés et les gouvernements au lieu de militer dans une organisation qui travaille, sur le terrain proprement politique, à ce que les choses évoluent et changent dans le sens que nous déclarons désirer? La dernière fois, rappelez-vous, Hans Marotte, un ancien militant nationaliste, était candidat néo-démocrate à Montréal: et si c’était un signe des temps?

Sauf erreur, vous êtes en faveur d’un engagement progressiste. Alors, pourquoi pas le NPD, par exemple?