Merci Monsieur le Président
Devant le fait accompli, Paul Cohelo, l’un des auteurs les plus unanimement appréciés du monde littéraire, remercie à sa manière Georges W Bush. Recherche, dans le drame qui se déroule au Moyen-Orient, de quelques raisons d’espérer.
Merci d’avoir montré au monde entier que Saddam Hussein était une menace à la paix mondiale. Peut-être aurions-nous pu autrement oublier qu’il utilisa, par le passé, des armes chimiques contre sa propre population et la minorité kurde de son pays. Hussein est un dictateur sanguinaire. L’une des plus persistantes incarnations du mal de ce siècle.
Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle je veux vous remercier. Durant les trois premiers mois de cette année, vous avez étalé à la face du monde bien d’autres choses, toutes aussi importantes, qui méritent d’être mentionnées.
Me souvenant d’un poème appris lorsque j’étais enfant, je veux vous dire Merci Monsieur le Président.
Merci d’avoir démontré au monde que les Turcs et leur parlement ne sont pas à vendre, même pas pour 26 milliards.
Merci d’avoir révélé que les intérêts des décideurs et les opinions des populations sont à ce point divergents.
Merci d’avoir démontré que ni Jose Maria Aznar ni Tony Blair n’ont la moindre considération pour leurs électeurs. Aznar est parfaitement capable d’ignorer que 90 % des Espagnols s’opposaient à la guerre et Blair ne fut pas ébranlé par les plus importantes manifestations à s’être déroulées au Royaume-Uni depuis trente ans.
Merci d’avoir rendu nécessaire la pertinente démonstration de Tony Blair qui, devant le Parlement anglais, fit passer le travail scolaire d’un étudiant pour des preuves flagrantes collectées par les services secrets contre le régime irakien.
Merci d’avoir permis à Colin Powell de passer pour un con en présentant, au Conseil de sécurité, des photos dont l’authenticité fut publiquement contestée par le chef des inspecteurs de l’ONU, une semaine plus tard.
Merci d’avoir provoqué des applaudissements publics dans l’enceinte de l’ONU lorsque Dominique De Villepin tint son discours pacifiste. Cela ne s’était pas entendu depuis la visite de Nelson Mandela.
Merci aussi pour vos efforts à promouvoir la guerre, puisque les nations arabes perpétuellement divisées ont fini par adopter une position commune anti-guerre lors de leur dernière réunion.
Merci d’avoir tenté de diviser une Europe qui travaille à son unification Ce fut un avertissement qui restera dans la mémoire de ses habitants.
Merci d’avoir accompli ce que peu ont su faire en ce siècle: réunir des millions de personnes sur tous les continents luttant pour une cause commune qui n’est pas la vôtre.
Merci de nous avoir visiblement ignorés, merci d’avoir marginalisé notre opinion; le futur de cette planète appartient aux exclus.
Merci, puisque sans vous, nous n’aurions pu nous étonner et nous surprendre de notre propre capacité de mobilisation. Cette cause perdue ne sera pas la dernière…
Merci d’avoir permis à tous ceux qui sont allés dans la rue, sachant leur cause perdue, de comprendre ce qu’est la faiblesse, le sentiment d’inutilité, et d’avoir choisi, après, de le surmonter.
Maintenant que rien n’a pu arrêter cette guerre, je voudrais rapporter les paroles d’un roi de l’Antiquité qui dit à son ennemi: "Puisse ce matin glorieux briller sur les armures des conquérants car lorsque tombera le soir la défaite viendra."
Aussi savourez bien ce matin et la gloire quelconque que vous puissiez encore y trouver.
Vous ne nous entendiez pas. Nous avons écouté vos paroles. Nous ne les oublierons pas.
Merci beaucoup.