Grandes gueules

La soirée des éjections

Monsieur Landry,

Je suis atteint de ce qu’on appelle communément un trouble bipolaire maniaco-dépressif – et je suis en dépression. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. J’ai donc décidé de me faire soigner. J’étais au chômage en congé de maladie. Mon employeur, soutenant que je n’avais pas fourni mes billets médicaux à temps, a décidé de me congédier, en déclarant que c’est un départ volontaire.

Comme le chômage ne me permet pas de joindre les deux bouts, je me suis dit que j’allais me trouver un autre travail, si possible dans mon domaine. J’espérais une subvention à l’employeur d’Emploi-Québec pour me permettre d’avancer dans mon domaine et d’éviter les emplois qui nuisent à ma santé. Après trois jours de questions et de démarches, un agent d’Emploi-Québec me dit de retourner au chômage ou sur le BS, sans répondre à mes questions.

Malheureusement, il ne me sert à rien de toucher 180 $ de prestations par semaine quand il m’en coûte déjà 80 $ simplement pour défrayer une part des coûts exorbitants des médicaments que je dois prendre.

Après 90 jours de ce régime, je me retrouve aujourd’hui avec trois mois d’arrérages de loyer, tous mes comptes en souffrance, à quelques jours d’une interruption du téléphone, sans même assez d’argent pour manger. Inutile de vous dire que mes perspectives d’avenir semblent assez sombres pour l’instant.

Au Québec, pour les jeunes en difficulté d’apprentissage, on construit des écoles spéciales, on créé des programmes scolaires adaptés et bien d’autres choses. Mais que fait-on pour les jeunes adultes qui se retrouvent à la rue à dix-sept ans avec rien, ceux que ni le modèle scolaire ni l’éducation parentale n’auront réussi à préparer à la réalité de la vie? J’ai cherché, je n’ai rien vu. Sauf le taux de suicide chez les jeunes le plus élevé de tous les pays industrialisés.

C’est drôle. De la travailleuse sociale du CLSC en passant par ma psychiatre au Centre de santé mentale, tous sont payés pour me faire comprendre que le suicide n’est pas la seule solution, qu’il existe plein de ressources et d’options à mon problème… Pourtant, du côté des services à l’emploi, personne ne semble connaître de moyen concret pour m’aider, et indirectement, faire baisser cette statistique record que continue d’arborer fièrement le Québec, tout en prétendant être prêt pour l’indépendance.

Bravo! En tant que rescapé d’une tentative de suicide et sûrement en tant que futur jeune suicidé, j’applaudis très fort votre gouvernement.

J’espère qu’on ne me reprochera pas d’avoir gaspillé l’argent des contribuables pour que la police repêche un jour mon corps dans le fleuve et en dispose.

Mes expériences de vie difficiles me prouvent, jusqu’à maintenant, que nous sommes dirigés par des gens complètement déconnectés de la réalité des jeunes.

J’aimerais bien pourtant qu’on me prouve le contraire, peut-être que cela signifierait pour moi la fin de 10 années de misère et de pauvreté, à travailler comme un forcené pour me trouver chaque mois devant un choix difficile: payer le loyer ou manger? Maintenant, je ne pense même plus qu’il vaille la peine de s’en préoccuper. J’ai l’intention d’en finir avant de me retrouver au coin de la rue Champlain à faire des pipes à 40 $ pour survivre. J’espère que les générations futures pourront bénéficier d’un meilleur système que moi.

En attendant, histoire de tenir le coup, je vais peut-être mettre en vente un de mes reins pour quiconque aura les moyens de se payer une opération sécuritaire dans un pays qui le permet, c’est une aubaine. Je pourrai ainsi récolter un bon montant d’argent qui me permettra brièvement d’avoir une vie décente.

Bonne campagne électorale. Si ça vous intéresse, mon vote aussi est à vendre, pour 1 $, et c’est négociable.