Grandes gueules

La balle est dans son camp

Fidel Castro est le genre de dictateur qui refuse de s’adoucir avec l’âge. À chaque fois qu’un dignitaire s’apprête à le rencontrer afin de démontrer au peuple américain qu’après tout, le vieux barbudo est bien sympathique, il s’empresse d’emprisonner quelques défenseurs des droits humains ou de pendre quelques pirates de l’eau pour nous rappeler de quel bois il se chauffe.

Évidemment, après l’invasion de la baie des Cochons, la crise des missiles, et des dizaines de tentatives d’assassinat sur sa personne, on pourrait comprendre qu’il soit devenu quelque peu hargneux et inflexible.

Il y a pourtant quelque chose dont cinquante ans de dialectique marxiste n’ont pas réussi à venir à bout: l’amour immodéré des Cubains pour le baseball.

À tous les quatre ans, l’équipe nationale cubaine déchaîne les foules lors des Jeux panaméricains. Quelques joueurs ont même réussi à surmonter la colère de Fidel pour venir s’adonner ici au sport national des Américains. Le président lui-même, dit-on, n’est pas à l’abri de cette passion. Et la légende cubaine, qui veut que, dans les années 50, les recruteurs des Sénateurs de Washington aient commis l’erreur de ne pas retenir les services d’un grand garçon de 6 pieds à la balle courbe dévastatrice nommé Fidel Castro, a la couenne dure.

L’Amérique de Bush devrait profiter de cette passion cubaine et échanger, au plus vite, sa politique de la carotte et du bâton contre celle du gant et de la balle afin de se débarrasser de celui qui a survécu aux intentions belliqueuses de 10 présidents américains.

Il faut octroyer une franchise de la Ligue nationale de baseball à La Havane. Cette bonne affaire, en termes de revenus et de tourisme, se transformerait sûrement en cauchemar pour le vieux dictateur. Imaginez l’orgueil blessé par l’esprit de compétition des plus fidèles supporters de Fidel lorsque les Barry Bonds, Marc McGuire et Edgar Martinez battraient à plate couture leurs opposants, les Rouges de La Havane, au stade de la révolution du 26 juillet… La déprime lorsque Sammy Sosa, après avoir expédié la balle hors du stade, signerait des autographes aux enfants cubains… puis menacerait de quitter l’île si on n’arrivait pas à trouver les millions nécessaires pour payer son salaire exorbitant.

Leur fierté en jeu, les Cubains, ne disposant que de peu de liquidités, devraient se résoudre à vendre leurs cigares illégaux et leur excellent rhum durant les matchs, sous les yeux approbateurs du commissaire du baseball. Les marchés s’ouvriraient…

Enfin, combien de semaines faudrait-t-il au Commandante lui-même pour détourner les yeux de la chose politique afin de pouvoir se rendre sur le terrain, au début de la septième, pour prendre les choses en main, et entamer un seconde carrière à titre d’entraîneur. Pas plus qu’il n’en faudrait aux scalpers cubains pour apprendre les méthodes impérialistes américaines de leurs homologues de New York.

Puisque la Ligue de baseball parle perpétuellement de compression et d’expansion en tous sens, des clubs en péril comme Les Twins du Minnesota et tiens, pourquoi pas nos Expos, s’en tireraient fort bien, sinon mieux à La Havane que dans des marchés blasés comme St. Paul ou Montréal. Imaginez combien de conflits pourraient se résoudre sur le terrain lorsque l’équipe cubaine recevrait les Rangers du Texas, l’équipe chérie de G. W. Bush.

En contribuant à l’expansion et l’ouverture économique de Cuba, ainsi qu’à l’abolition de 40 ans de sanctions économiques, le règlement pacifique d’un vieux conflit permettrait à nos Expos-nos amours, à défaut d’un championnat, d’au moins remporter le Prix Nobel de la paix.