Grandes gueules

Service public

Depuis des années, il ne s’est développé au Québec qu’un seul nouveau service public universel à l’endroit des jeunes familles: les fameuses places de garderie à 5 $ par jour. Pour ce faire, nous avons collectivement consolidé un réseau public, à but non lucratif, pour s’occuper de nos tout-petits. Le besoin était là, criant, et dûment identifié depuis plus de 20 ans. Or, la première chose que fait le nouveau gouvernement libéral en arrivant au pouvoir est de remettre les Centres de la petite enfance (CPE) en question en menaçant de changer les règles du jeu. On parle notamment de permettre le développement de places à 5 $ par jour dans les garderies privées, à but lucratif. Aurait-on idée de subventionner la gratuité dans des cliniques ou des collèges privés sous prétexte que les réseaux de santé et d’éducation sont débordés et coûtent "trop cher"? Pourtant, c’est exactement ce que l’on s’apprête à faire avec le réseau des garderies publiques, en plus de mettre un frein abrupt à son développement. L’un des problèmes est que les libéraux conçoivent les services de garde comme une vulgaire marchandise dont seul le prix importe. Actuellement, ma copine et moi payons de peine et de misère 90 $ par semaine pour faire garder notre fille, en attendant une éventuelle place subventionnée. Si ce n’était qu’une question de fric, ça ne me dérangerait pas d’envoyer ma fille dans le privé (pourvu que j’aie une de ces rarissimes places à 5 $!). Sauf qu’entre l’envoyer dans une entreprise dont le but premier est le profit et qui traite ses employé(e)s en conséquence, et l’envoyer dans un organisme à but non lucratif, cogéré par des employé(e)s respecté(e)s et des parents qui s’impliquent dans un projet éducatif proche de mes valeurs, mon choix est clair: je préfère de loin les CPE et les garderies coopératives. Or, si le gouvernement permet le développement de places de garderie subventionnées dans les boîtes privées, les parents n’auront plus le choix, ils iront là où il y aura de la place (vraisemblablement dans le privé). L’argent des contribuables ne doit pas servir à subventionner un réseau de garderies privées dont le but est d’enrichir des entrepreneurs (parce que c’est de cela qu’il s’agit). Tant qu’à payer de l’impôt, j’aimerais autant que ça serve à un service public universel et égalitaire, dans lequel les usagers ont leur mot à dire. Il me semble que ce n’est pas trop demander.