Je suis perplexe devant cette mobilisation soudaine de citoyens et de citoyennes qui cherchent à scinder les municipalités fusionnées pour retrouver leurs anciennes frontières. Qui sont les défusionnistes? Il y a des gens âgés qui se cherchent une cause pour se désennuyer de leur retraite prématurée, des anti-péquistes, des gens qui détestent leur nouveau maire, des adeptes de la politicaillerie qui aiment voir leur nom réapparaître dans les médias, des anciens conseillers municipaux nostalgiques et aussi, bien sûr, de simples citoyens et citoyennes frustrés d’avoir perdu le nom de leur ville et d’avoir vu leurs comptes de taxes augmenter alors qu’on leur promettait le contraire. Ils ont bien sûr le droit de s’exprimer.
Toutefois, je parierais ma chemise que la grande majorité d’entre eux n’ont que des slogans pro-défusion en tête et qu’ils n’ont pas lu la Loi 9. Qu’ils sont incapables de me nommer les services dont seront responsables les municipalités défusionnées. Qu’ils n’ont pas réfléchi aux conséquences d’une défusion sur les nouvelles ententes collectives avec les employés des villes fusionnées. Est-ce ça la démocratie? Un paquet de gens mal informés qui ne pensent pas plus loin que le bout de leur ancien patelin? Seraient-ils majoritaires que je ne serais pas davantage impressionné de les voir si peu intéressés au bien commun de la collectivité. Croient-ils que de retrouver leur ancien hôtel de ville va soudainement créer davantage de richesses? Que subitement les municipalités pourront donner davantage de services de proximité à leurs citoyens, mieux planifier un aménagement du territoire cohérent et respectueux de l’environnement, susciter un développement économique dynamique, offrir des services de transport en commun fiables, promouvoir le développement culturel et baisser les taxes… Les municipalités ont besoin de nouvelles sources de revenus pour assumer l’ensemble de ces responsabilités grandissantes. Je crois qu’il est clair que les villes-centres sont les véritables pôles d’innovation, d’emploi, d’immigration, de recherche, de culture, etc. C’est là que ça se passe, et il y a des coûts associés au fait d’être un pôle de développement plutôt qu’une simple banlieue-dortoir. À défaut de leur octroyer de nouvelles sources de revenus, le gouvernement du Québec a offert aux villes-centres un élargissement de leur assiette fiscale en les fusionnant avec les banlieues. C’est sûr que c’est choquant pour ceux qui sont allés se construire une maison à 40 minutes de voiture du centre-ville pour bénéficier d’un taux de taxation plus faible. Ceux qui veulent profiter du meilleur des deux mondes sans en assumer les coûts réels, en ne se souciant que de leur petit compte de taxes. Pas la moindre conscience des enjeux importants (réparer les infrastructures régionales vieillissantes, construire du logement social, faire face aux défis créés par l’immigration, attirer des investissements, etc.) liés aux villes-centres chez ces gens. Mais la réalité, c’est que malgré les potentielles défusions, il n’y a pas de baisse de taxes à l’horizon car les infrastructures municipales sont en piteux état au Québec et que les responsabilités des municipalités ne vont pas en s’amenuisant. Et que la Loi 9 ne dit rien sur une nouvelle façon de générer des revenus pour les municipalités… Nous avons besoin de grandes municipalités au Québec, capables de parler d’une voix forte, pour relever les défis de demain. C’est aussi simple que cela.