Je pense bien avoir fait mon "coming out" il y a de ça une dizaine d’années et peut-être même un peu plus. Alors que j’entamais allègrement la quarantaine, j’avais senti que mes semblables me mettaient en quarantaine. Aujourd’hui, les 50 ans bien sonnés, je suis toujours en quarantaine et, à ce que je sache, je ne suis pas malade… Alors que d’autres, et c’est bien triste de le rappeler, eh bien si… Je n’ai jamais été une bête de sexe qui saute sur tout ce qui bouge et qui entre dans les normes bien définies de ce qui est politiquement "gay-baisable". À mon époque (il faut bien que je parle ainsi puisque je me sens comme un dinosaure), ces critères-là n’existaient pas et "criss" qu’on avait du fun à baiser…
Je n’ai jamais été le dieu grec, imberbe au corps parfait que toute la communauté gay adule depuis tant d’années. Je n’étais pas un gars moche. Entre 27 et 40 ans, je nageais plus d’un kilomètre par jour, en plus de courir. J’avais la forme et je ne fumais pas. Maintenant que j’ai 51 ans et des poussières et que je me suis passablement bien "affiné", je ne me trouve pas vilain du tout si je me compare à d’autres qui ont le même âge que moi. Pourtant, ça fait tout un bail que je sèche sur la tablette.
Les 40 ans arrivés, je n’ai plus jamais cadré dans le décor. J’avais beau m’intéresser à des gars de mon âge, rien à faire… Ça fait donc longtemps que j’ai compris que je n’avais plus ma place parmi les miens. Je me regardais dans la glace et pourtant je n’arrivais pas à voir cette date d’expiration qui devait bien être inscrite sur mon front puisque tous semblaient la voir. Nul ne se doute, mais le mythe du beau corps peut parfois être trompeur. Chez les gays, la minceur masquée de muscles bien découpés peut cacher une autre réalité… Le tissu adipeux, même s’il n’a plus la cote, ne trompe pas, lui. Et pourtant, ce que la vue d’un corps à la limite du poids santé peut en faire grimacer plus d’un si celui-ci ne respecte pas les "NORMES" gay de beauté déjà préétablies par ceux qui en ont décidé ainsi.
Petit à petit, je me suis éloigné des endroits gay, me contentant des parcs et des buissons. Mais passer des heures à la noirceur jusque très tard la nuit, à arpenter des sous-bois en quête de plaisir, pas trop pour moi, merci… Pas la brunante, la noirceur totale que ça prenait pour arriver à tomber sur un comparse des plus dédaigneux. Et quel travail il fallait pour en arriver là. Et de plus, d’un tel ennui… D’autant plus que pour arriver à mes fins, chaque fois ou presque, je devais accuser une avalanche de refus des plus humiliants. Aye! ce que l’ego peut en prendre un coup dans ce temps-là. Non, c’était vraiment pas mon truc, ça non plus…
J’ai alors compris que je devais faire mon "coming out"… Je me suis donc raisonné et je me suis retiré tout doucement… Je suis sorti de ce milieu. Je me suis fait mon "coming out" à moi.
Depuis, ma main, et quelques films pornos ont très vite su remplacer ce que très souvent je m’évertuais à chercher Je dois dire que ça ne me manque pas du tout. Bien que, pour être honnête, je vous dirais: oui je suis seul et oui je fantasme beaucoup.
Je pense au bon vieux temps où il faisait bon être gay.