Les démarches de Revenu Québec, qui ont poussé hier le cigarettier JTI-MacDonald à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, confirment ce que nous affirmons depuis des années: l’industrie du tabac est impliquée jusqu’au cou dans la contrebande de cigarettes.
Rappelons-nous que, malgré les allégations d’innocence du président et chef de la direction de l’entreprise, monsieur Michel Poirier, il n’en demeure pas moins que le gouvernement fédéral a déposé, en août 2002, une poursuite au civil contre la compagnie de tabac JTI-MacDonald et ses compagnies affiliées. Souvenons-nous également que la Gendarmerie royale du Canada a porté des accusations criminelles, en février 2003, contre des dirigeants de JTI-MacDonald ou de ses compagnies affiliées pour leur rôle dans la contrebande de cigarettes. Ces accusations, faut-il le rappeler, se font toujours après une enquête exhaustive.
La contrebande était une opération criminelle très bien orchestrée. Les augmentations de taxes qui sont survenues à la fin des années 80 et jusqu’au milieu des années 90 ont porté un dur coup à la vente de cigarettes et, conséquemment, aux profits des compagnies. N’ayant pu parvenir à faire baisser les taxes "légalement", c’est-à-dire par du lobby auprès des autorités concernées, elles se sont tournées vers le commerce illégal. Il faut donc se rappeler le but de cette opération de contrebande: faire plier les gouvernements pour qu’ils baissent les taxes sur le tabac afin que les fabricants augmentent leurs revenus.
À ce chapitre, les fabricants ont très bien réussi: les gouvernements ont été dans l’obligation de céder. Ils ont abaissé les taxes au point que, du jour au lendemain, le prix du paquet de cigarettes a été coupé de moitié, avec pour résultat que, chez les jeunes Québécois, le taux de tabagisme, qui était de 19 %, a doublé en peu de temps pour passer à 38 %.
Les compagnies de tabac croyaient agir en toute impunité et peu d’industries peuvent se targuer de s’être comportées de manière aussi arrogante, elles qui souvent se sont placées au-dessus des lois pour se jouer des gouvernements. Aujourd’hui, ces compagnies doivent faire face à la musique et c’est tout à fait normal, ce n’est que le retour du balancier.
Aujourd’hui, ce sont les coûts fiscaux que le Québec tente de récupérer. Un jour, il devra aussi considérer la possibilité, à l’instar d’autres pays, de récupérer, auprès de ces mêmes compagnies, les coûts de santé astronomiques générés par les produits du tabac.
Mais il est des choses que le gouvernement ne peut pas récupérer. Non seulement les compagnies n’ont pas payé les taxes dues en détournant les cigarettes du marché légal, mais en forçant les gouvernements à abaisser les taxes en 1994, ces derniers ont dû se priver des revenus qu’ils auraient retirés si les taxes avaient été maintenues. Cette baisse radicale des taxes a causé l’augmentation du nombre de fumeurs et, plus particulièrement, du nombre de jeunes nouveaux fumeurs. Il faudra éventuellement que la société québécoise assume les coûts que ces nouveaux fumeurs vont générer, soit pour tenter de cesser de fumer, soit pour des soins et des traitements pour des maladies causées par le tabac.
Dans le cas présent, JTI-MacDonald a déjoué le gouvernement et tente, en se plaçant sous la protection de la cour, de ne pas payer son dû. Avec des profits de quelques centaines de millions de dollars annuellement, ne pas payer les taxes sur un produit qui tue et qui rend gravement malade constitue vraiment le comble de l’immoralité et de l’irresponsabilité.
Par: Louis Gauvin, coordonnateur
Coalition québécoise pour le contrôle du tabac