Grandes gueules

No pasaran

Depuis 10 ans, à Ciudad Juárez dans l’État de Chihuahua au nord du Mexique, des mères cherchent leurs filles portées disparues. Elles dénoncent publiquement le manque de sérieux des enquêtes et le mépris des autorités politiques, judiciaires et policières à leur égard. Des corps mutilés, torturés et violés, plus de 350 à ce jour, sont retrouvés dans le désert environnant et même dans certains endroits de la ville, sans pour autant que les auteurs de ces atrocités soient identifiés et traduits en justice.

Au combat des mères se sont unis des proches, des familles entières, des citoyens et citoyennes et des organisations locales et internationales. Toutefois, le féminicide se poursuit: le nombre de disparues s’élève à plus de 500 et 5 autres corps ont été retrouvés en 2004, à Ciudad Juárez seulement. Le phénomène s’étend maintenant à la ville de Chihuahua et l’impunité règne. Les mères des victimes continuent leur lutte et sillonnent les villes du Mexique, de l’Amérique du Nord et de l’Europe, portant une photo de leurs belles et jeunes filles sur le cœur.

Si les hypothèses sur le sort tragique de ces jeunes filles ne manquent pas, les preuves pouvant les étayer, elles, sont écartées, mal recueillies et mal conservées. Psychopathes et tueurs en série venant peut-être des États-Unis? Trafic de femmes ou d’organes? Tournage de films de pornographie extrême? Rituels sataniques ou orgies collectives impliquant narcotrafiquants et policiers? Personne ne le sait avec certitude. Les organisations indépendantes ayant fait enquête refusent de ne retenir qu’une seule hypothèse et admettent qu’il puisse s’y produire un effet d’entraînement, étant donné l’impunité ambiante. Des présumés coupables ont été emprisonnés, mais ils semblent être des boucs émissaires, puisque le féminicide continue.

Le Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez, fondé il y a près de deux ans par des femmes impliquées dans la solidarité internationale, le mouvement des femmes et les milieux syndicaux et universitaires, a pour objectifs de faire connaître cette situation au Québec, de faire pression sur les gouvernements canadiens et mexicain et d’exprimer concrètement sa solidarité aux mères ainsi qu’aux proches des victimes. Il a organisé diverses activités de sensibilisation en collaboration avec différents groupes, comme les CALACS (Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel) et leur regroupement provincial, et tout particulièrement avec le CALACS Mouvement contre le viol et l’inceste. Il a également permis à une délégation du Québec de se rendre au Mexique en février 2004. La tournée de Patricia Cervantes s’inscrit dans la continuité de ces activités.

Le 8 septembre dernier, à la salle du Gesù à Montréal, avait lieu un spectacle de solidarité riche en émotions organisé par le Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez. Patricia Cervantes, mère de Neyra Azucena Cervantes, l’une des victimes du féminicide qui a lieu dans l’État de Chihuahua au nord du Mexique, y a livré courageusement son témoignage.

Par le fait même, sa venue nous a permis de prendre connaissance plus amplement de la situation que vivent nos consœurs autochtones, alors que plus de 500 femmes sont disparues des communautés de partout au Canada. À Vancouver, il n’y a pas de mesures substantielles qui sont mises en place pour retrouver les corps des femmes disparues. Lorsqu’on découvre des corps, on ne consacre pas beaucoup d’efforts à retracer les assassins et à les traduire en justice. Plusieurs disparitions ou morts de femmes autochtones ne sont tout simplement pas rapportées (www.sistersinspirit.ca/fresoeurs.htm).

Engagé dans la lutte contre les agressions à caractère sexuel, le Regroupement québécois des CALACS lance un appel, cette année encore, à la population québécoise, afin qu’elle s’investisse collectivement pour éradiquer cette forme de violence, et toutes les violences exercées à l’égard des femmes, particulièrement lors de la Journée d’action contre la violence faite aux femmes, qui se tiendra le 24 septembre 2004.

Cette année, notre lutte solidaire est dédiée particulièrement à la mémoire de celles de qui la violence a emporté la vie. Avec leurs mères et leurs proches, nous renouvelons notre engagement et notre lutte. À ceux qui, ici ou ailleurs, sont convaincus que le silence, la négligence, la minimisation, l’oubli, le déni et l’impunité les protègent, nous disons que nous ne lâcherons pas, que notre lutte n’aura pas de fin, que NO PASARAN!!!

Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, pour le Comité de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez