Grandes gueules

Sans tambour ni trompette

Monsieur le Premier Ministre,

Je suis musicien, fils de musicien qui a lui-même appris de parents musiciens, et père de trois enfants musiciens. La musique et ses bienfaits ont toujours accompagné et inspiré mes moindres faits et gestes tout au long de ma vie et je suis témoin que la vie de mes enfants en est aussi remplie.

À propos de mes enfants, il se trouve que mes deux premiers ont eu la chance de bénéficier, et ce gratuitement, du réputé programme de formation musicale offert par l’École secondaire Pierre Laporte à Montréal, mais les traces invitantes laissées par ses aînés menacent malheureusement de s’effacer rapidement du même sentier qu’emprunte à son tour ma plus jeune.

Je ne doute pas un instant que vous soyez bien au fait que le programme de musique de l’École Pierre Laporte fasse l’objet de coupures récurrentes extrêmement sévères, pour ne pas dire mortelles, maintenues de main de fer par le ministère de l’Éducation, et ce, depuis plusieurs années et sous l’égide de différents gouvernements.

Or il appert que la hache demeurera bien enfoncée pendant votre mandat et qu’il ne fait plus aucun doute pour personne qu’à moins de directives très claires et immédiates de votre part, j’ai bien peur, cher Monsieur le Premier Ministre, que le gouvernement actuel devra porter tout l’odieux de se voir irrémédiablement associé à la mort prochaine d’un programme qui fonctionnait pourtant à merveille et dont il est presque devenu proverbial d’entendre dire "qu’il fait ses preuves depuis bientôt un quart de siècle".

Mais dites-moi franchement, très franchement Monsieur le Premier Ministre, pourquoi faut-il donc que nous, Québécois, voulions presque ériger en tradition de mettre plus souvent qu’autrement la hache dans ce qui fonctionne? Dans ce qui sert? Dans ce qui fait ses preuves?

Pourquoi ne sommes-nous donc pas capables de simplement, sereinement jouir et d’assurer la pérennité d’institutions qui apportent richesse et profondeur à la qualité du tissu social de ce que d’aucuns tiennent tant à appeler notre nation?

La très forte opposition des parents d’élèves inscrits au programme de musique, ainsi que l’indignation et l’incompréhension exprimées par des acteurs importants de tous les horizons de la société québécoise ne semblent pourtant pas émouvoir le moindrement les responsables de votre gouvernement ainsi que les fonctionnaires impliqués dans ce dossier – dossier, vous me permettrez d’insister, Monsieur le Premier Ministre, extrêmement important pour nous, car les heures sont maintenant comptées et il est clair qu’il en va de la survie même de ce programme.

Je sais le discours officiel sur la fameuse notion d’équité dont votre gouvernement se fait l’écho pour justifier l’abandon du programme de Pierre Laporte. Loin de moi l’intention de me lancer ici dans un débat technique sur les tenants et les aboutissants des différents programmes de semblable – mais pourtant différente – nature accessibles dans d’autres institutions scolaires. Sans rien leur enlever, et en tout respect pour les institutions qui offrent aussi différentes approches de formation musicale, une étude exhaustive du programme très spécifique offert par l’École Pierre Laporte montre cependant très clairement qu’il s’agit là d’un programme unique, ouvert à tous les élèves de niveau secondaire de toute la province de Québec, et ce, sans égard à leur région d’origine ou à leurs revenus – ou à ceux de leurs parents.

Un parent qui désespère