Que de délibérations inutiles autour du concours The Greatest Canadian, organisé par la télévision anglaise de Radio-Canada. Doit-on vraiment s’étonner qu’un seul Québécois figure parmi les finalistes, en l’occurrence Pierre Elliott Trudeau (sic!), et que Don Cherry soit parmi les personnalités retenues?
Malgré leur faible rigueur et une méthodologie boiteuse, les résultats préliminaires du concours de CBC ne sont que le reflet d’un gouffre grandissant qui sépare de plus en plus les deux solitudes canadiennes.
Depuis une quarantaine d’années, l’écart identitaire, social et politique s’accroît entre les deux solitudes. Quelques exemples nous viennent facilement à l’esprit: le rapatriement constitutionnel de 1982; l’échec de l’accord du lac Meech; l’échec de l’accord de Charlottetown; l’attitude méprisante du fédéral avant, pendant et après la victoire du NON au référendum de 1995; les divergences d’opinions quant à une participation militaire canadienne en Irak et aux élections présidentielles américaines.
Sur le plan culturel, l’essor de la culture québécoise contraste de beaucoup avec le marasme culturel canadien, qui ne survit qu’en réaffirmant sa différence par rapport à la culture américaine, pourtant fort semblable. En fait, l’écart est devenu tel qu’on devrait plutôt parler d’abîme.
Il existe deux nations au Canada: la nation québécoise et la nation canadienne. L’élite et la population canadiennes refusent pourtant de souscrire à cette lecture. La vision centralisatrice, trudeauiste, d’une seule nation pancanadienne, entrecoupée de quelques régionalismes et particularités linguistiques, domine toujours, sans aucune nuance.
Le récent tollé soulevé au sein du Canada par l’entente sur la santé conclue entre le gouvernement fédéral et les provinces est éclairant à ce sujet. Par cette entente administrative, le gouvernement fédéral ne fait que confirmer des compétences québécoises déjà existantes en matière de santé. Les réactions sont toutefois très différentes. D’un côté, l’élite fédéraliste québécoise s’extasie et crie mission accomplie, alors que de l’autre, un vent de protestation et d’indignation se lève dans le reste du Canada. De ce côté, on craint ni plus ni moins le début d’une désintégration du Canada (Michael Bliss, "Un pays en morceaux", National Post).
Imaginez les réactions lors d’éventuelles négociations constitutionnelles!
Les observateurs fédéralistes québécois ont toujours cru à un renouvellement du fédéralisme canadien. La réalité nous renvoie un tout autre message. Vouloir renier cette réalité relevait autrefois d’une certaine naïveté optimiste, il faut maintenant davantage parler de "jovialisme" aveugle.